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Le pâle Stravinsky d’Andrés Orozco-Estrada

Le dernier disque d', riche de promesses, déçoit.

Le jeune chef colombien multiplie depuis quelques années les interventions réussies sur les scènes internationales, et tous ceux qui l'entendent s'accordent à déceler en lui un grand talent. Le choix des musts stravinskiens pour une captation de son orchestre, le Frankfurt Radio Symphony, souligne quelle ambition est la sienne : se faire une place, déjà, parmi ceux que l'expérience et la reconnaissance ont couronnés avant lui.

La première écoute du disque laisse une étrange impression. C'est la beauté de la prise de son qui retient l'attention de prime abord. L'oreille se prélasse et s'attarde devant les multiples détails qu'un enregistrement à la précision chirurgicale permet de transmettre. Dans L'Oiseau de feu en particulier, les inflexions du solo de basson de la Berceuse, ou le dernier choral des cuivres, triple forte, dans le Finale, possèdent un relief dont on n'aurait jamais cru, il y a dix ans, qu'un enregistrement pourrait un jour le rendre.

Comment concilier inventivité et rigueur ?

Pour autant, l'auditeur ne tarde pas à se demander « à quoi bon », et en vient fatalement à s'interroger sur les intentions du chef. On sent en effet ce dernier tiraillé par deux volontés contradictoires : celle de briller, d'abord, d'impressionner par des postures esthétiques audacieuses ou même inédites ; mais aussi la volonté d'être techniquement irréprochable, dans une musique foisonnante qui exige beaucoup des instrumentistes.

Faute de se fixer une ligne claire, perd sur les deux tableaux : le maniérisme, qui point çà et là, côtoie de franches maladresses. L'exacerbation excessive de certains détails de la partition, à laquelle parfois se livre le chef, pourrait être mise sur le compte d'un penchant méticuleux, mais pourtant d'incompréhensibles écarts viennent contredire l'hypothèse. Dans le Jeu du rapt, le tempo diminue presque de moitié entre les premières et les dernières mesures, sans que rien d'écrit sur la partition ne laisse à penser qu'il s'agisse d'un choix. Le plus souvent, on entend en réalité que, très occupé à maîtriser sa partition, Orozco-Estrada peine à y insuffler de l'âme. La Célébration de l'Élue, dans le Sacre, se trouve, entre autres passages, changée en tunnel monochrome, où les cuivres répètent sans cesse les mêmes modes d'attaque, et où les nuances deviennent uniformes.

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