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Formidables Kazuki Yamada et Vadim Gluzman

Dans un Victoria Hall bondé, l' sous la direction de offre un formidable concert alliant musicalité, énergie et complicité.

En 2010, à la suite d'un concert resté dans les annales de l', les musiciens de l'orchestre plébiscitaient comme chef titulaire. Jugeant son expérience et son répertoire encore trop incomplets, le jeune chef japonais renonçait à cette tâche. Depuis la saison 2012-2013, il a néanmoins accepté sa nomination comme chef principal invité. Et décidément, le mariage musical de l' et de s'avère être une nouvelle réussite comme le prouve ce dernier concert.

En ouverture de concert, le Moz-Art à la Haydn d' n'est pas très convaincant malgré sa mise en scène amusante et la musique surprenante du compositeur soviétique, mêlant avec un certain humour des citations pêchées dans Don Giovanni, La Flûte Enchantée de Mozart ou la Symphonie « La Surprise » de Haydn.

Une petite dizaine de minutes de mise en bouche avant l'événement de cette soirée, la rencontre du chef japonais Kazuki Yamada et du violoniste israélien . Parce que rencontre il y a eu. Non pas de celle qu'on définit comme un combat. Non ! La rencontre de deux extraordinaires musiciens qui, l'espace de cette demie heure du Concerto pour violon et orchestre de Tchaïkovski, ont été unis dans une complicité musicale inouïe. L'un jouait du violon, l'autre jouait de l'orchestre.

Le violon d'abord. joue, dit-on, sur un Stradivarius de 1690, connu sous le nom d'« Ex-Leopold Auer ». Les violons du maître de Crémone sont connus pour leur clarté de son, voir leur agressivité dans le registre aigu de l'instrument. Comme le définit Renaud Capuçon, un son féminin ! Le son du violon de est incroyablement riche, ferme, robuste et d'une rondeur superbe (un son de Stradivarius comme celui-là fait plus penser à un Guarnerius del Gesù !). Reste que Vadim Gluzman tire de ce violon des accents tout simplement magiques. Ce colosse, au menton duquel son violon semble tout petit, est capable de puissance comme de pianissimi impalpables –qu'il va jouer sous le nez de Kazuki Yamada, qui en goûte chaque modulation avec un sourire d'une magnifique authenticité. Sous l'archet du violoniste israélien, ce concerto si populaire prend une dimension magistrale. Magnifiquement intégré à l'orchestre, Vadim Gluzman instaure un climat d'aisance dont tout l'ensemble ressent la présence.

L'orchestre ensuite. Kazuki Yamada, en musicien sensible donne la mesure de son orchestre en lui intimant le piano quand le violon s'exprime et en explosant les tuttis quand l'orchestre est le soliste. Tout cela dans un incroyable dosage du volume sonore qui jamais ne passe du forte au piano avec brusquerie. Quelle écoute, quelle attention, quel soin le chef japonais porte à l'interprétation ! Il est le soliste, il est le chef, il est l'orchestre. L'orchestre de la Suisse Romande, heureux d'être acteur de cette merveilleuse aventure, répond aux sollicitations du chef avec une cohésion formidable.

Comme si la fête musicale ne devait pas se terminer, la deuxième partie de la soirée est dévolue au monument de Chostakovitch, sa Symphonie n° 10. Insistants sur les accords glaçants des contrebasses et des violoncelles, Kazuki Yamada imprime à son interprétation l'incroyable manière qu'a le compositeur russe de raconter les sentiments humains, la douleur, la tristesse. Embrassant l'orchestre avec des gestes amples et gracieux, le chef japonais subjugue. On lit la musique dans ses mains qu'il ouvre ou referme pour signifier l'ampleur du son qu'il recherche. Chaque phrase, chaque moment est ressenti, renvoyé au public avec un soin de la couleur, de l'intensité, du discours que l'orchestre de la Suisse Romande restitue avec une beauté orchestrale qu'on se réjouit d'entendre. Une jubilation sonore. Sans que jamais la structure de l'œuvre n'en souffre.

L'Allegro est particulièrement brillamment interprété avec un investissement orchestral immense. Tout le corps de Kazuki Yamada participe à débauche musicale, presque insoutenable. Le geste est précis, lancé vers les pupitres, avec toujours cette main droite qui donne les intonations, les mesures du volume avec une souplesse infinie.

L'Allegretto revient vers un discours plus enjoué dont le chef souligne l'expression. Voir Kazuki Yamada diriger l'appel du cor, d'abord puissant puis peu à peu s'éloignant, montre encore une fois qu'il a la musique dans les mains.

Dans l'Andante final, où le mouvement débute comme le premier, avec les contrebasses, Yamada construit petit à petit le climat énergique qui, des passages des bois et de la flûte, débouche bientôt sur la trépidation finale. Maîtrisant totalement ses musiciens, le chef les amène avec mesure et consistance jusqu'à l'éclatement cataclysmique des dernières mesures.

Justement salué par une ovation que le Victoria Hall n'avait plus entendu depuis fort longtemps.

Crédit photographique : © Marco Borggreve

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