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A Genève, entre frustration et tonnerres sonores

Pour sa fin de saison, l' offre un concert dirigé par un Sir plus attentif à la partition qu'à la musique qu'elle est censée exprimer.

En février 2011, la soprano , jusqu'alors inconnue sous nos latitudes, offrait un bouleversant récital sur la scène du Grand Théâtre de Genève. Depuis, la soprano allemande s'est révélée l'une des interprètes parmi les plus importantes de la musique de Richard Strauss et de Richard Wagner. C'est dire l'attente de sa venue pour l'entendre dans les Sieben frühe Lieder d'. Mais, pour ce rendez-vous, l'auditeur présent en a été quitte pour une terrible frustration. En effet, à cause de l'acoustique particulière du Victoria Hall, la superbe voix de la soprano disparaît sous le volume sonore de l'orchestre. Adieu l'intériorité du propos vocal, adieu les sons filés uniques de la soprano. Non pas que l' joue trop fort, mais le chef, probablement peu conscient des réverbérations de la salle, ne semble pas prendre la mesure des nuances avec lesquelles s'investit dans les textes de ces poèmes. Pourtant, les quelques notes qui passent au-dessus de l'orchestre révèlent l'authenticité artistique avec laquelle la soprano interprète ces subtiles cantilènes. Au point de presque regretter la présence de l'orchestre tant la soprano parait habitée par son texte. (La réécoute du concert retransmis par les ondes de la Radio Suisse Romande confirme –grâce à la prise de son- la beauté du chant et la symbiose totale avec l'orchestre). Peut-être qu'une telle œuvre doit être jouée uniquement dans une salle dont l'acoustique se prête au mélange orchestral fouillé d' et à la voix éthérée d'une soprano aussi investie que ?

En seconde partie, c'est la Symphonie no. 5 de qui occupe la scène. Populaire par son Adagietto dont Luchino Visconti a inondé son film Mort à Venise, le chef anglais en favorise ici l'aspect monumental avec force et détermination. Ainsi, dès l'entrée des trompettes, les sons sont délibérément poussés, voir agressifs et pas toujours très beaux. Dès lors, il ne reste plus beaucoup de place pour le lyrisme des violons dont l'intervention manque dès lors de poésie même avec le ralletando imposé par la direction du chef anglais. La marche funèbre de ce premier mouvement a parfois des accents quelque peu pompiers. Les deuxièmes et troisièmes mouvements demeurent dans la force des tutti et, à l'exception de quelques interventions apaisantes des toujours excellents violoncelles de la phalange romande, on détache son attention pour laisser son regard s'évader vers la vue des gens du public. On y décèle nombre de personnes aussi dissipées que votre serviteur. La fin du Scherzo calme temporairement le jeu des ensembles, même si elle laisse l'impression qu'il ne se terminera jamais. Trop tard pour en faire grief à !

A force de décibels ordonnés, on attend avec impatience le fameux Adagietto. Une attente déçue par une interprétation quelque peu emphatique. Cette tranquillité retrouvée semble avoir toutefois convenu à l'orchestre qui s'engage avec intérêt dans le Rondo final en démontrant une belle légèreté interprétative. Plus à l'aise qu'au début de cette symphonie, l', investi plus qu'habité, termine cette œuvre à nulle autre comparable, magistrale et complexe dans un tonnerre sonore impressionnant.

Crédit photographique : © Javier del Real

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