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Debussy rencontre Holliger avec la Radio bavaroise

Programme rare et réfléchi pour à la Radio bavaroise.

Il est rare que les concerts d'abonnement de l'Orchestre de la Radio bavaroise ne soient pas pleins, mais c'est le cas ce soir : sans doute la présence d'une œuvre contemporaine au programme, même sous la direction du compositeur, justifie-t-elle cette abstention. La musique de , pourtant, n'est pas la plus difficile qui soit et possède souvent un pouvoir de séduction très immédiat. Dans ce programme où le dialogue est le maître-mot, c'est la profondeur de sa relation avec qui est mise en évidence, avec une seule œuvre orchestrée par Debussy lui-même et trois orchestrateurs de prestige, ses contemporains et , et surtout Holliger lui-même pour deux des trois cycles de mélodies, travail commandé par la Radio bavaroise et créé lors de ces concerts.

L'orchestre seul ouvre et clôt le concert : la jolie orchestration de Clair de Lune par Caplet est vite oubliée par comparaison avec Khamma, qui a le mérite de rappeler l'engagement de Holliger pour . Holliger, dans cette œuvre trop peu connue comme dans l'inévitable Faune, fait preuve de toute la réserve qu'on lui connaît : pour l'ivresse sonore, des chefs de métier savent aller plus loin au risque d'aller trop loin ; Holliger, lui, connaît l'œuvre en compositeur, et ce qu'on y entend, au plus près de la partition, confirme amplement l'étonnante modernité de ce ballet unique. La comparaison de son orchestration et de celle de Debussy pour les différents cycles de mélodies est intéressante. Holliger ne cherche pas le comble du debussysme, bien au contraire : son travail apparaît comme un écho pastel de l'orchestre de Debussy, aux angles arrondis, quoi qu'avec un travail de couleur d'une égale subtilité.

est-il l'interprète idéal pour ces mélodies ? Son timbre d'airain si souvent au service de la mélodie allemande paraît ici parfois un peu tiré par la lutte contre les décibels de l'orchestre, et il y manque l'humour souvent présent dans ces cycles, ou du moins le sourire en coin des Femmes de Paris de Villon. La diction française est parfaite, la précision rythmique et l'intonation aussi, mais c'est la dure loi de la mélodie française : les notes ne suffisent pas, et il y faut beaucoup plus de liberté que ce que Gerhaher parvient à dégager.

Holliger et le mot : un Japon très personnel pour une création

Le principal intérêt de la soirée, cependant, était la création en Europe d'un cycle de mélodies de Holliger lui-même, sur des haikus qu'il avait écrit il y a un quart de siècle. Créé il y a quelques mois, comme il se doit, au Japon, ce cycle qui mobilise un vaste effectif orchestral dessine avec délicatesse les ambiances crépusculaires que son titre annonce, avec souvent des sonorités âpres, proches du son brut, et un extrême étirement du texte. Des cycles de mélodies, Holliger en a déjà composé beaucoup, sur les textes les plus variés et avec un accompagnement allant du simple cor au grand orchestre : Dämmerlicht, où les sonorités japonaises sont moins importantes que la sonorité personnelle de Holliger, est certainement le plus sombre, le plus marqué par le deuil. Un important jalon dans l'œuvre d'un compositeur majeur du XXe comme du XXIe siècle.

Crédit photographique : (c) Bayerischer Rundfunk

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