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L’orchestre sans voix mais avec vivats à l’opéra Bastille

clôt magistralement une saison de concerts symphoniques avec l'Orchestre de l'Opéra national de Paris.

Il est bon de pouvoir de temps à autres goûter pour lui-même le travail que accomplit avec ses musiciens. Le chef, que l'on sait si précis dans sa lecture des partitions, dirige avec une grande autorité, et dans un programme qui met si bien l'orchestre en valeur, la profusion des couleurs obtenues étonne l'oreille.

C'est pourtant par excès de contrôle, peut-être, que la Symphonie classique a paru moins envoûtante qu'elle n'est en réalité. Bien sûr, les contrastes de nuance, si scrupuleusement notés par Prokofiev, sont soignés à merveille, et les cordes virevoltent avec allégresse, dans l'Allegro introductif comme dans le finale ; mais le sel manque. Une touche d'ironie aurait suffit à embraser cette pochade ravageuse. Rude symphonie, qui exige pour plaire vraiment qu'à tant de clarté polyphonique, tant d'énergie, tant d'attention au détail, on joigne aussi la fantaisie !

Tharaud inspiré

Le Concerto en sol, quant à lui, ne souffre plus la moindre réserve. On y retrouve un bouillonnant, en parfaite harmonie avec le chef, aussi à l'aise dans les trépidations du troisième mouvement que dans la lente rêverie du second. Après l'ample mélodie introductive de l'Adagio, dont chaque note est pesée, où la main gauche du pianiste égrène les harmonies avec une infinie douceur, l'orchestre fait son entrée dans un déploiement de teintes vespérales, lointaines, savamment choisies ; et lorsque dans un long trille du piano, les dernières rumeurs s'apaisent, l'esprit peut ressaisir toute l'unité de ce mouvement mélancolique. Tharaud donne aussi un bis mémorable : la sonate K.141 de Scarlatti, où le mordant de son toucher rivalise avec le raffinement dont il a fait preuve dans chaque mesure du concerto.

L'orchestre conclut sur les Tableaux d'une explosition, dans la version de Ravel : c'est merveilleux de bout en bout. Les Promenades sont idéalement conduites, et suggèrent une émotion après l'autre, au fil des déambulations du public dans la galerie imaginaire. De tous les morceaux de bravoure, on garde surtout en mémoire la terrible Cabane sur des pattes de poule, où le son rugueux de l'orchestre évoque Stravinsky. Tant d'entrain aurait pu déboucher sur une Porte de Kiev un peu massive, mais loin s'en faut : Jordan retient ses troupes et offre un finale subtil, où les forte n'ont rien d'écrasant, et où le triomphe alterne avec le recueillement. L'apparition de la cloche constitue même un sommet de poésie, avant que l'apothéose conclusive ne vaille enfin aux musiciens des vivats mérités.

Crédit photographique : © Jean-François Leclercq / OnP

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