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Poulenc et les Six par Miki Aoki

Après avoir enregistré Kodály et un « projet Belaïev », du nom du grand mécène russe du XIXe siècle, la pianiste japonaise se tourne vers la musique française des années 20, autour de et du groupe des Six.

Réunis de manière éphémère et informelle par Cocteau et Satie, les compositeurs Poulenc, Auric, Honegger, Milhaud, et les moins célèbres Germaine Taillefer et , ont notamment collaboré pour une suite intitulée Album des six, que nous redonne l'occasion d'entendre. Des pièces inégales, mais qui montrent l'ouverture de ces compositeurs à la modernité : joyeuses dissonances de Prélude, de la Valse de Poulenc, mesure à 5/8 puis 6/8 de la Pastorale de Taillefer. Pourtant cette modernité est mélée à des jeux de citations et des hommages au classicisme (Couperin, Scarlatti) ou au romantisme. Comme ce Souvenir de Chopin, délicat hommage d'Honegger au compositeur polonais, dont il reprend sans caricature l'accompagnement syncopé ou la ligne mélodique. La troisième Novelette de Poulenc est aussi une variation explicite sur un thème d'El Amor Brujo de Manuel de Falla. Poulenc est le meilleur au jeu de la citation et du pastiche auquel il distille une ironie caractéristique. Ses Soirées de Nazelles sont des variations créées lors de « longues soirées de campagne où l'auteur jouait aux « portraits » avec des amis groupés autour de son piano », comme il le rappelle lui-même. Il évoque par exemple les thèmes hispanisants à la mode dans Préambule, Le charme enjôleur ou Cadence. propose une version assez sage, que l'on pourra compléter par d'autres versions plus contrastées comme celle de Pascal Rogé, par exemple.

Mais c'est dans le registre de la mélancolie que la pianiste nous emporte le plus, avec des pièces simples, néanmoins très belles, que sont ce Souvenir de Chopin, et surtout Mélancolie et 3 Novelettes de Poulenc, allant jusqu'au minimalisme des Gymnopédies de Satie. Miki Aoki apparaît comme une très bonne interprète de la simplicité et l'ennui ne guette pas l'auditeur. La musique se déroule avec fluidité et clarté, avec un juste dosage de la pédale, une limitation des effets et surtout de belles nuances de piano que l'on savoure tout particulièrement dans ce répertoire.

Enfin, la pianiste fait un moment revivre le Paris de 1920, qu'elle décrit dans le livret, alors gagné par le jazz et le music-hall. Caramel mou de Milhaud, pièce basée sur le Shimmy américain et proche du ragtime est la pièce qui évoque le plus cette vie urbaine. Cependant elle perd un peu de son mordant au piano seul, sans le texte absurde de Cocteau qui l'accompagnait à l'origine.

Miki Aoki nous propose donc un programme de musique française relativement original, et joué avec justesse et délicatesse. Ce disque est une bonne occasion de connaître cette artiste, peu présente sur la scène française mais très active Outre-Rhin.

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