- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Dutoit, Capuçon et Abdrazakov au Clos Vougeot

Plaisirs de la dégustation et de l'écoute musicale se conjuguent dans le cadre d'un des lieux les plus enchanteurs de la Bourgogne. Avec , et , la fête ne pouvait qu'être au rendez-vous.

Constitué des meilleurs éléments de grands orchestres de la planète – le Metropolitan de New York, l'Opéra de Paris, les Berliner Philharmoniker, le National de France, le Philharmonique royal de Liège… – l'Orchestre éphémère des Climats de Bourgogne s'est réuni une fois de plus dans le cadre du festival « Musique et Vin au Clos Vougeot ». À la dégustation des grands crus qui font l'orgueil de la France, au plaisir des papilles et au raffinement de la sélection fait en effet suite, dans la cour d'un des lieux les plus emblématiques de la Bourgogne, un concert à l'affiche prestigieuse dont pourraient s'enorgueillir toutes les grandes salles des capitales mondiales.

Trop rare en France, quoique fêtée sur toutes les grandes scènes lyriques, la basse russe a fait littéralement sensation en première partie, autant par son instrument parfaitement égal sur les deux octaves de la tessiture que par sa musicalité sans faille, sa technique accomplie et son sens inné de la nuance. Mais c'est surtout par son pouvoir de coloration, par son art du récit et par sa capacité à faire vivre les mots qu'Abdrazakov s'impose, dans les registres comique aussi bien que tragique, comme un des meilleurs jeunes chanteurs de sa génération. Il est vrai que le programme choisi, qu'il s'agisse du « catalogue » de Leporello ou de la « calomnie » de Basilio, se prêtait particulièrement aux sortilèges de la narration et à la mise en valeur du texte verbal. L'extrait d'Ernani, cabalette y comprise, a rappelé que le chanteur russe était tout simplement le meilleur interprète au monde des rôles de basse du jeune Verdi, comme sa magistrale incarnation de la partie d'Attila sur toutes les scènes du monde l'a déjà amplement démontré. En fin de première partie, le duo du premier acte de Don Giovanni aura permis au public du Clos Vougeot de découvrir en Zerline la voix claire et fruitée de la soprano coréenne , jeune diplômée de la Juilliard School déjà lauréate de plusieurs grands concours internationaux.

Autre vedette de stature internationale, mais évidemment plus connue en France qu'Abdrazakov, aura illuminé la deuxième partie du concert de sa virtuosité stupéfiante lors du Concerto n° 1 pour violoncelle de Saint-Saëns. Sa maîtrise absolue de son jeu et de son instrument, son exquise musicalité et surtout la facilité déconcertante avec laquelle il s'acquitte d'une partition d'une rare exigence ont une fois encore mis le public à ses pieds. Si l'on peut formuler un léger regret, c'est que ces deux géants de la musique n'aient pas eu l'occasion de se produire côte à côte. On rêve de ce qu'aurait pu donner, confié à ces deux interprètes, l'air de Philippe II « Ella giammai m'amò » du Don Carlo de Verdi pour voix de basse avec son sublime accompagnement de violoncelle.

La cohésion du programme était assurée par cet autre maître de taille, en personne, pour qui la musique française du XIXe siècle n'a plus aucun secret. Pour la partie purement orchestrale, la deuxième partie du programme aura sans doute été la plus enthousiasmante des deux, grâce non seulement au concerto de Saint-Saëns mais également à la Symphonie en ut majeur de Bizet, magistralement enlevée sous une baguette précise, alerte et inspirée de bout en bout. Dommage que l'acoustique du lieu, qui a tendance à étouffer et à assourdir certains timbres instrumentaux, ne soit pas totalement adaptée à la hauteur des principaux enjeux. Là est peut-être la seule menue réserve d'une après-midi véritablement stimulante, garante des joies combinées de la vue, de l'ouïe, mais également du palais.

Crédit photographique : , L'Orchestre éphémère des Climats de Bourgogne et (photo 1) ; et L'Orchestre éphémère des Climats de Bourgogne (photo 2) © Jean-Louis Bernuy

(Visited 493 times, 1 visits today)