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Gustav Mahler en apothéose au Verbier Festival

Le Festival de Verbier clôt brillament sa vingt-troisième édition avec la Symphonie n° 3 de admirablement dirigée par un inspiré et un au faîte de sa musicalité.

D'une longueur inhabituelle (une heure trois quart !), la Symphonie n° 3 de semble avoir rebuté les salles de concert de la programmer. Pourtant, depuis le début de cette année, c'est la quatrième fois que nos correspondants assistent à son interprétation. En février, François-Xavier Roth la dirigeait à Dijon, en juin Bernard Haitink à Munich et Paavo Järvi à Paris. Comment expliquer ce subit engouement pour une symphonie jusqu'ici rarement jouée ?

Le hasard de la programmation du Festival de Verbier a mis votre serviteur sur la route de cette œuvre. Et, quand l'interprétation se situe au niveau de celle de , on comprend mieux l'intérêt qu'on porte aujourd'hui à cette œuvre. recommandait de « ne jamais perdre le contact avec le merveilleux ». Cette symphonie est la quintessence de cette exhortation. Si dans le premier mouvement (Kräftig, entschieden), la patte mahlérienne avec son cortège d'explosions musicales est omniprésente, la suite se révèle légère, empreinte d'accents « viennois » jusqu'à ce lent mouvement (Sehr langsam) qui pendant les presque dernières quarante-cinq minutes mettent l'auditeur dans un état second, comme planant dans un univers de musiques célestes.

Ces sensations, encore faut-il que le chef d'orchestre les décèle et les extraie de son ensemble pour les renvoyer à l'auditoire. On aurait pu craindre que la jeunesse des membres du soit un frein au partage de ces sensations. Rien de tel. La direction inspirée de fait merveille. Il tire des pupitres de l'orchestre au grand complet une unité de couleurs absolument extraordinaire. L'attaque des neuf cors, l'entrée des trompettes bouchées, la reprise des trombones (ah, ce solo de Nick Platoff !) bientôt se fondant imperceptiblement avec l'archet des sept contrebasses présume d'un moment privilégié de musique.

Le chef américain visiblement inspiré et comblé par l'attention de ses musiciens à ses indications suggère ses intentions musicales de tout son corps. Dégageant peu à peu une ligne de chant admirablement lyrique, il restreint par instant sa gestuelle pour n'en donner que la mesure, comme si l'orchestre totalement dans la musique de Mahler n'avait pas d'autres intentions que de la sublimer. Les sourires que s'échangent subrepticement les musiciens ne laissent aucun doute sur le plaisir que leur procurent les desseins du chef.

Quand de la harpe suivie de l'effleurement des violoncelles surgit l'étrange voix de , l'émotion est à son comble. Lançant son O Mensch ! Gib acht ! à l'unisson des cors et des trombones, la contralto, elle aussi transportée dans le bouleversement de cette musique, se mêle à l'orchestre pour en être un autre instrument confondu.

Moment suspendu qui trouve son apothéose dans l'ultime mouvement (Langsam – Ruhevoll – Empfunden), l'une des pages parmi les plus inspirées de la musique de Mahler, que le chef américain enveloppe d'une musicalité profonde sans pour autant tomber dans un pathos excessif. Une quiétude admirative bienfaisante portant l'auditeur dans des espaces éthérés loin de toutes réalités. Lentement l'orchestre s'engage alors vers le final impressionnant et étincelant où les percussionnistes, debout, martèlent la fin du rêve.

Alors, alors seulement le public jusqu'ici recueilli laisse éclater son bonheur d'avoir assisté à cette apothéose musicale d'un festival dans son ensemble d'une exceptionnelle qualité.

Crédit photographique : © Aline Paley

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