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Young Euro Classic : les sœurs Labèque ouvrent le festival

Il y a ceux qui s'inquiètent de l'avenir de la scène classique à longueur d'articles grisonnants emplis de « c'était mieux avant », et il y a ceux qui jouent la musique ! Le festival Young Euro Classic, pour sa 16e édition, propose 17 jours de concerts et de rencontres, qui en font le plus grand événement mondial consacré à la jeune scène de la musique classique. Les audacieuses pianistes Katia et ouvrent le bal symphonique. ResMusica les a rencontrées à leur arrivée dans la capitale allemande, la vieille du concert d'ouverture.

« Ce feu juvénile ne devrait jamais mourir au fil des âges. »

ResMusica : Young Euro Classic innove lors de cette édition 2016 en invitant des solistes confirmés à se produire avec de jeunes orchestres internationaux. Que pensez-vous de cette initiative et comment abordez-vous le travail au sein du  European Union Youth Orchestra par rapport à un orchestre professionnel ?

 : Je vais peut-être vous surprendre mais je ne note pas beaucoup de différences. Il y a chez ces jeunes orchestres une spontanéité, une passion et une implication incroyables. Ils sont un exemple pour toutes les générations de formations. Ce qui est primordiale c'est de garder cette fougue, et ce feu juvénile ne devrait jamais mourir au fil des âges. Depuis le début du mois que nous sommes en tournée avec le European Union Youth Orchestra, ils n'ont jamais montré un moment de fatigue ou de lassitude et ce, malgré le voyage. Ils arrivent à s'auto-motiver et à organiser des partielles (NDLR : répétitions par pupitre) entre eux. Ils viennent nous voir et attendent beaucoup de nos échanges. C'est une grande inspiration pour nous.

RM : Avez-vous côtoyé à vos débuts un orchestre de jeunes ?

KL : Ce genre de formations regroupant de jeunes musiciens, ça n'existait pas à notre époque. Et puis, en tant que pianistes solistes, nous avions moins de possibilités de nous produire au sein d'un orchestre.

Marielle Labèque : Mais on a eu la chance de débuter en accompagnant des danseurs et chorégraphes, comme Félix Blaska par exemple, et de pouvoir ainsi développer notre répertoire.

RM : Sentez-vous une différence d'aspiration entre cette génération et la vôtre ?

KL : Notre point commun, c'est de jouer de la musique au plus haut niveau et ça, cela ne doit pas changer. Peu importe les moyens. C'est certain qu'ils en ont plus à leur disposition qu'à notre époque : Internet, les réseaux sociaux, tout ceci permet une communication énorme entre les musiciens. Ils peuvent apprendre ainsi beaucoup plus vite mais aussi se déconcentrer plus vite. Je leur conseille de rester fixés sur leur but et de savoir ce qu'ils veulent vraiment. Mais, en tant que solistes, on n'interfère pas avec le travail du chef d'orchestre.

ML : Et puis aujourd'hui, on compte de meilleurs orchestres en règle générale. Les musiciens ont des niveaux incroyables, surtout dans tous les nouveaux ensembles de musique baroque.

RM : Vous avez commandé deux pianos-forte Silbermann pour interpréter le répertoire datant d'avant l'ère Mozart…

KL : Nous n'allons pas les utiliser pour interpréter le Concerto à deux pianos de Mozart car, pour cela, il faudrait avant tout un orchestre baroque avec des cordes en boyaux et un diapason différent. Nous adorerions avoir la possibilité de le jouer avec une jeune formation, mais alors en effectif réduit, ce qui n'est pas le cas demain soir. En outre, ce n'est pas dit qu'on ne pourrait pas jouer Mozart sur ces pianos. Il nous arrive encore aujourd'hui de jouer des pianos âgés de 30 ans. Ceci dit ce sont des instruments sur lesquels on joue plus à la maison que sur scène car ils sont très fragiles, donc aussi très difficiles à transporter.

RM : Avez-vous adapté votre jeu au piano moderne après avoir joué sur les Silbermann ?

KL : Définitivement. La pédale par exemple, l'articulation, les tempi, les phrasés, ça change. Certains tempi trop rapides ne sont pas possibles sur les pianos modernes si on n'a pas la bonne articulation. Et inversement, on peut jouer sur les pianos-forte très rapidement. L'instrument vous dicte la façon de jouer, on est obligé de mettre d'autres doigtés selon le piano. L'articulation peut être plus ciselée sur un Silbermann que sur un Steinway.

ML : Autrefois, on jouait Mozart d'une façon romantique, avec plus de son et plus de pédale. Il est plus compliqué de passer du Steinway au Silbermann que l'inverse, car la touche est plus courte sur le Silbermann. J'ai besoin d'un minimum de quinze jours pour me réhabituer.

RM : Quels sont vos prochains projets ?

KL : On rentre en studio pour coupler Le Sacre du Printemps de Stravinsky avec Les Épigraphes antiques de Debussy, qui est aussi poétique que Le Sacre est cruel. On trouvait que c'était une bonne idée de les mettre ensemble. Puis on va commencer à travailler une pièce pour deux pianos de Bryce Dessner, compositeur et guitariste du groupe The National. Il organise un grand gala à la Philharmonie de Paris le 25 septembre prochain. On a la partition, mais on n'a pas encore commencé, et ça s'annonce difficile car il y a beaucoup de 5 pour 4, de 5 pour 6, de 5 pour 8. Une totale indépendance de mains !

Crédits photographiques : les sœurs Labèque © Brigitte Lacombe ; © Umberto Nicoletti

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