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Glassworlds, le marathon Philip Glass de Nicolas Horvath

La Nuit Blanche est depuis sa création en 2002 le lieu des défis artistiques les plus insensés. C'est ce cadre hors-norme qu'a choisi le pianiste pour relever un de ces challenges fous qu'il affectionne tant : donner en une soirée l'intégralité de la musique pour piano de , dans l'ordre chronologique de composition (de 19h à 7h le lendemain matin). Chaises longues sur la scène, public entrant et sortant à loisir, pile de partitions à terre, voici le décor d'une soirée minimalo-maximale hors des cadres. 

Entendons-nous, le défi n'était visiblement pas assez fou puisque , démiurge de cette soirée hors norme a ajouté au programme des transcriptions diverses d'œuvres du pape du minimalisme, non originellement conçues pour le piano (une longue « suite » tirée d'Einstein on the Beach par exemple). C'était donc une occasion unique de rentrer dans l'atelier du compositeur, dans sa « cuisine » interne, puisque se déroulait littéralement sous nos yeux et nos oreilles la pensée créatrice du musicien, sa manière de concevoir petit à petit son art, des premières œuvres inspirées des ragas de Ravi Shankar (How Now, Music in Fifth, Music in Contrary Motion) jusqu'aux dernières Etudes, où Glass prend de véritables libertés avec son propre style si caractéristique, fait de boucles et d'arpèges enivrants et obsédants. Plus qu'un pèlerinage, une idée de voyage vers l'Absolu.

Lancé dans la production au disque de cette intégrale, ne s'est pas attelé à cette tâche monstrueuse à la légère : tant dans les œuvres unanimement célébrées (Mad Rush) que dans les pièces les moins « inspirées », chaque phrasé, chaque ligne, chaque couleur est étudié et pensé. On se prend même à rêver à un raga imaginaire et étourdissant dans la confusion des harmoniques des premières œuvres, le plus souvent nimbées de pédale. L'interprétation souple et romantique d'Horvath sied comme un gant à une musique que l'on aurait d'emblée peur de déranger. Il va chercher ce que ces arpèges aux abords simples nous racontent, inventant ainsi une nouvelle poétique à ces œuvres à la beauté froide.

Seul bémol à la soirée, le fait que ces Everest musicaux qui tendent à l'Idéal ne fonctionnent peut être pas si aisément « en vrai » : sans remettre en cause le moins du monde la redoutable virtuosité de notre interprète de ce soir, on aura tout de même regretté le fait qu'il enchaîne autant d'œuvres sans pauses (!) confinant ainsi par moments à des points de non-retours physiques le faisant jouer bien malgré lui en dehors de la partition.

Nous le concédons, nous n'avons pas assisté à cette nuit dans son intégralité. Toutefois les quatre heures que nous y avons passées furent intenses et vibrantes. Quelques fausses notes dues à la fatigue ? Qu'importe. Le public était nombreux, et la fête était belle.

Crédit photo: Nicolas Horvath sur la scène de la Philharmonie de Paris durant la Nuit Blanche 2016 © Philharmonie de Paris

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