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Emil Gilels en Amérique

Pour honorer le centenaire du grand artiste, Sony-RCA réédite les enregistrements ici présents, contemporains des tournées américaines du pianiste (1916-1985) qui fut parmi les tout premiers musiciens soviétiques à se rendre à l'Ouest après la Seconde Guerre Mondiale mais en pleine guerre froide, instrumentalisé par la propagande du régime officiel suite à son Premier Prix au Concours Eugène Ysaÿe à Bruxelles (1938), et à son Prix Staline (1946). Nous adopterons l'orthographe française Gilels, conformément à l'Encyclopædia Universalis, afin d'éviter la prononciation « Jilels ».

En 1955, entreprend une tournée aux États-Unis où il fait ses débuts le 3 octobre avec son œuvre fétiche, le Concerto pour piano n° 1 en si bémol mineur op. 23 de Tchaïkovski sous la baguette d'. C'est un triomphe d'applaudissements de la part d'une assistance au départ réticente vu le contexte politique. La conséquence fut son engagement par la RCA-Victor pour l'enregistrement de cette œuvre sous la direction de l'intransigeant (29 octobre 1955) : cette gravure, toujours de référence, se substitua dans le catalogue RCA à celle fabuleuse mais plus ancienne de Horowitz-Toscanini. Il s'ensuivit une autre collaboration avec Reiner pour un Concerto pour piano et orchestre n °2 en si bémol majeur op. 83 de Brahms (8 février 1958) tout aussi réussi et anticipant la plénitude de la future version avec (DG).

Le 31 décembre 1964, Gilels retrouve et son orchestre de Philadelphie, cette fois pour l'enregistrement du Concerto pour piano n° 1 en mi mineur op. 11 de Chopin, première gravure chez la Columbia américaine ; la seconde sera bien plus tard celle en public du Concerto pour piano n° 1 en si bémol mineur op. 23 de Tchaïkovski, dirigée cette fois le 14 novembre 1979 par  : ce sera la dernière en Amérique. Dans toutes ces œuvres concertantes, se révèle royal, et bien qu'en possession d'une technique à toute épreuve, intelligemment il n'en fait jamais étalage de manière ostentatoire, mais il s'en sert pour laisser s'épanouir la musique dans sa vérité et sa pureté. Et cela est encore plus évident à l'égard des œuvres pour piano solo, que ce soit de Bach, Schubert, Chostakovitch, et même Liszt dont il est un des rares interprète de la Sonate pour piano en si mineur à justifier par une lucide construction le titre de Sonate devant le caractère plutôt rhapsodique de l'œuvre, et d'en exalter la poésie et le lyrisme plutôt que la virtuosité pure.

Emil Gilels nous a légué une discographie américaine sans doute modeste en quantité, mais elle est suprême en qualité. En outre la réalisation technique des transferts en CD est remarquable de clarté. Et enfin, n'oubliez surtout pas de vous munir d'une bonne loupe pour pouvoir lire les textes du verso des pochettes CD à l'identique des microsillons originaux !

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