- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Rachmaninov conceptualisé par Alexandre Tharaud

Avec le mot ‘'THARAUD'' se détachant aussi gros et rouge que celui de ‘'RACHMANINOV'' sur le fond noir de la pochette, c'est l'importance égale de l'interprète et du compositeur qui doit être intégrée sur ce nouvel album. C'est donc comme un concept que cet enregistrement doit être présenté, concept expliqué dans le livret par quatre questions auxquelles répond pour justifier ses choix de couplage autour du Concerto n°2 en ut mineur opus 18.

Pour accompagner le plus célèbre des quatre concertos pour piano du russe, les Cinq Morceaux de fantaisie op. 3 sont entre-calés avant la pièce Vocalise op. 34, donnée dans sa version initiale pour piano et soprano avec , avant Deux pièces pour piano à six mains accompagnées par et Aleksandar Madzar.

D'entrée dans le concerto, le piano d' prend une place prédominante par rapport à l'orchestre, les micros d'enregistrement le plaçant largement devant l'orchestre sur le plan sonore. Son toucher rappelle l'école française par sa douceur et sa légèreté, même s'il sait parfois devenir percussif, au risque d'être même trop appuyé en seconde partie du Moderato ou lors de la coda de l'Allegro Scherzando. Dirigé par l'excellent , le Royal Liverpool Orchestra accompagne avec majesté un concerto trop souvent traité avec vulgarité. Le chef slave semble l'un des meilleurs choix actuels dans sa capacité à garder toute la souveraineté de la partition tout en rappelant son intérêt et sa modernité, sans non plus lui refuser lyrisme et dynamique.

Les cinq morceaux suivants, pièces de jeunesse d'un jeune génie au style déjà affirmé bien qu'encore influencé, prennent ici une tournure plus française que jamais, lorgnant parfois vers Satie et Ravel par la transparence des sonorités. Le Prélude a déjà trouvé meilleur interprète, mais la clarté de Polichinelle et de la Sérénade ravissent totalement. Vocalise permet de profiter de la virtuosité de la jeune , au matériau souple et dont la ligne de chant maintenue élégamment charme pendant six minutes, sans atteindre l'éclat de sa devancière Nathalie Dessay accompagnée d'un orchestre et non d'un piano.

Les deux pièces finales permettent un beau trio de pianiste dont se détache la fluidité et le geste de Melnikov dans les aigus, au jeu plus adapté à celui de Tharaud que celui en soutient dans les graves de Madzar. La Romance semble presque écrite pour quatre mains seulement et intéresse surtout parce qu'elle reprend le thème utilisé par Rachmaninov pour introduire l'Adagio sostenuto du concerto, mais la Valse donne une touche d'allégresse particulièrement réussie, comme si les penchants sombres évoqués par l'interprète en parlant du compositeur était passé au second plan de ce beau CD, cadeau idéal pour les fêtes de fin d'année !

(Visited 1 665 times, 1 visits today)