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Beatrice Berrut : un regard rafraîchissant sur Liszt

Cet album de renouvelle notre regard sur la musique pour piano de : l'interprète, très disciplinée agogiquement, nous emmène dans un voyage plein de couleurs, d'humeurs et de tensions dramatiques, tout en trouvant un équilibre entre l'aspect expressif des œuvres présentées et leur côté poétique.

Le disque est intitulé Métanoïa. Ce mot, provenant de l'ancien grec, signifie, comme expliqué dans le livret, un « changement profond de l'état d'esprit » ou bien, selon des conceptions plus récentes, une « transformation et guérison de l'âme par les forces du subconscient qui permettent aux éléments conflictuels et contradictoires de cohabiter dans notre psyché ». D'après , ce titre correspond parfaitement à la vie extraordinaire qu'a été celle de , ce débauché viveur magnifié dans sa jeunesse par les salons aristocratiques, et moine franciscain au crépuscule de son existence. Une existence assez difficile à comprendre, marquée autant par la gloire que par l'inquiétude.

Cette inquiétude, cette instabilité intrinsèque de ses passions et tourments, peut-être même accompagnée d'un isolement moral, se voit sensible ici surtout au travers des pages frémissantes de la Vallée d'Obermann, œuvre inspirée d'un roman épistolaire de Senancour (Obermann) et d'une ode de Byron, Le Pèlerinage de Childe Harold ; pièce pianistique fascinante par une structure profondément « orchestrale » (notamment par la richesse de la palette sonore et le côté composite du grain), mais aussi par la maîtrise technique qu'elle exige du soliste. en exploite toute la richesse polyphonique et émotionnelle, en refusant cependant le jeu de virtuosité extérieure.

Pareillement pour Après une lecture du Dante, sonate pour piano en un seul mouvement qui, sous les doigts inspirés de Beatrice Berrut, ne manque ni de gravité, ni de brio, ni de tendresse. En ce qui concerne les deux Ballades, l'interprète suisse propose deux regards différents : sérénité imprégnée de douceur, d'éclat et (par moments) de rêverie pour la première ballade, et une angoisse inextinguible pour la deuxième.

Pour ce qui est des Consolations, la pianiste nous les sert en guise de dessert. Ni trop sucré, ni trop aigre d'ailleurs, mais bien équilibré. On se contentera de la musicalité intense de l'artiste, tout en admettant pourtant qu'une pincée de fantaisie n'y ferait pas obstacle.

Avec sa sonorité ronde, ample et charpentée (privilégiée par une prise de son sans défaut), Beatrice Berrut signe ainsi un des meilleurs albums lisztiens de notre époque.

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