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Au Louvre, des trios de jeunesse par les Dali

Premiers feux : ainsi s'intitule un cycle de douze concerts donnés à l'auditorium du Louvre, pour faire pendant à la déambulation que le musée propose à ses visiteurs parmi les déjà grandes toiles de futurs grands peintres (les jeunes Titien, Dürer, Girodet…).

En musique, ces premiers feux sont ceux de créateurs que la suite de leur carrière a élevés au rang de maîtres, mais dont le style a emprunté divers chemins vers la pleine maturité : certains ont placé leurs pas dans les traces d'une éminence musicale de leur temps, avant de s'en écarter avec déférence ; d'autres ont préféré jouer les enfants terribles, et défrayer la chronique par leurs audaces. Pour cette soirée consacrée au genre du trio à cordes, deux compositeurs s'imposaient : Chausson et Beethoven. Le premier ne cache pas son admiration pour César Frank, dans un trio qui doit beaucoup au célèbre Quintette en fa mineur. Quant à Beethoven, on n'en finirait pas d'énumérer les excentricités dont il parsème son opus 1, ce trio en mi bémol dont l'espièglerie et l'irrévérence ont dû tant agacer le pauvre Haydn.

Pour restituer toute la juvénile ardeur de ces deux œuvres, les musiciens du , dont les enregistrements sont unanimement salués, ont exactement ce qu'il faut de jeunesse et d'adresse. Dès les premières notes de Beethoven, en effet, transparaît la qualité de son qu'on leur connaît : nul excès, nulle grandiloquence dans le timbre des trois instrumentistes réunis, mais un raffinement plein de douceur, qui met les contrastes en valeur sans les outrer. Les lignes aérées s'entrecroisent, et dessinent la trame formelle des mouvements successifs, qui se présente à l'esprit avec une parfaite limpidité. Une allégresse printanière semble sourdre de leur musique, totalement dénuée d'ostentation. Pourtant, à force d'écoute réciproque, le trio manque peut-être d'ardeur ou d'ampleur dans les passages plus recueillis : le violon de , notamment, peine à prendre la parole, et le jeu trop droit qu'il adopte dans l'Adagio cantabile ne restitue pas au mieux le lyrisme de l'écriture beethovenienne. On peut regretter aussi que le piano, qu'un malin démon avait laissé grand ouvert, ait pu couvrir par moments les graves du violoncelle.

Fort heureusement, , dont la maîtrise pianistique est de roc, adapte légèrement son jeu dans le trio de Chausson, et la cohésion de l'ensemble, même dans le choix des tempi, y gagne. Sans jamais céder au sentiment facile, ni achopper sur les difficultés techniques que le jeune compositeur a accumulées comme en un catalogue de son frais savoir-faire, les trois musiciens livrent du premier mouvement une version remarquable de clarté, où les thèmes, tels des personnages, se répondent : arpèges alanguis du piano, doubles croches fatales du violoncelle, déploration étranglée du violon. L'apogée du mouvement, en puissants accords répétés du piano, est le sommet du concert : toute timidité, tout calcul semblent définitivement oubliés ; seule demeure la bouleversante émotion qui naît d'une inspiration authentique, et qui soulève les spectateurs de leur siège.

En bis, le trio a l'idée originale d'offrir une Miniature de , une petite « Valse russe », dont relève avec humour les parentés fauréennes. S'il s'agit là de la suite des aventures du , nous les suivrons avec intérêt.

Crédits photographiques : (de g. à d., , , ) © Felix Broede

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