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Uthal de Méhul, pour ceux qui jouent le jeu

À l'occasion de la commémoration du bicentenaire de la mort d', (voir le dossier proposé par ResMusica), le célèbre et son directeur artistique Alexandre Dratwicki, consacrent un disque à Uthal, opéra considéré comme l'un des plus « romantiques » du compositeur.

Les invraisemblances du livret, ses alexandrins désuets, le charme musical suranné… C'est en acceptant toutes les maladresses de cette œuvre et les codes propres à l'opéra-comique de cette période que nous pouvons pénétrer cet univers et en savourer une sensibilité authentique portée par de brillants interprètes.

À la fin du XVIIIe siècle, l'opéra-comique permit aux compositeurs d'effectuer de nombreuses expérimentations. Étienne-Nicolas Méhul en tête, mais aussi Jean-François Le Sueur ou bien encore Luigi Cherubini ont rendu ce genre musical plus mélodramatique en faisant disparaître les éléments de comédie et de parodie. Ainsi, dans Uthal, tiraillée entre un père trahi par son gendre et un mari opportuniste, c'est dans une triste et sombre atmosphère que Malvina assiste à la réconciliation des deux hommes dans un pathétisme parfois excessif et après une succession d'invraisemblances. Jubilatoire pour ceux qui daignent s'y laisser emporter sans ménagement.

D'ossianique, il ne reste en réalité dans le livret qu'une tonalité, qu'un décor. Toutes les couleurs de la poésie d'Ossian reposent donc sur la musique où Méhul innove à travers une orchestration sans violons, source d'inspiration pour ses illustres successeurs, notamment Berlioz qui y fera directement référence dans son Grand traité d'instrumentation et d'orchestration. Tout y est sobre et simple avec des accords et des motifs syncopés comme dans la romance d'Uthal Tel que l'on voit sur nos montagnes croître un lys. Dès l'ouverture, intègrent merveilleusement dans le tissu des vents et des cuivres les sons prolongés des cors et les accents vaporeux des harpes. Parfois bouillonnant, parfois brumeux, parfois rêveur, toujours énergique, l'orchestre sous la direction de s'éloigne clairement de la sensation de « monotonie » pointée du doigt lors des premières représentations en 1806. Les auteurs des livrets d'opéras-comiques utilisaient à cette période un vocabulaire courant et une intrigue facilement compréhensible pour toucher un large public n'ayant pas forcément une grande culture littéraire. La musique traduit cette même volonté de rendre l'art moins abstrait et donc plus abordable. Par cette apparente simplicité, les artistes de la fin du XVIIIe siècle ont été longtemps considérés comme secondaires, et ce cliché reste encore très présent dans certains écrits musicologiques actuels. Auditeurs d'aujourd'hui, ne faites pas la même erreur !

Méhul fait partie de ces musiciens qui cherchèrent comme Grétry à ce que le chant dans l'opéra soit une traduction fidèle de la parole : « Un chant simple et sans ornement est plus signifiant sur le plan de l'expression dramatique qu'une harmonie savante et compliquée. » (Jean Mongrédien, La musique en France des Lumières au Romantisme 1789-1830). La virtuosité fait ici place à l'expressivité grâce à la force dramatique de en Uthal, la noblesse naturelle de en Larmor et le timbre cuivré riche de couleurs expressives d'une dont le riche personnage de Malvina semble lui coller à la peau. Seule la déclamation des alexandrins en voix parlée paraît bien trop artificielle et peu nuancée pour nous faire voyager. À croire que les interprètes d'aujourd'hui ont encore bien du travail pour atteindre l'art des tragédiens d'hier.

Formidable laboratoire que ce genre musical si souvent dénigré qui s'émancipe de sa saveur première et cherche à toucher le plus grand nombre. Avec ses qualités et ses imperfections, Uthal en est une preuve. Parmi tant d'autres.

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