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Justin Taylor, phénomène du clavecin en devenir

Lauréat du Premier Prix à Bruges en 2015 et nommé aux Victoires de la musique classique en 2017, auteur d'un premier disque multi-récompensé chez Alpha l'année dernière, le jeune claveciniste donnait un récital au théâtre du musée Grévin, montrant l'étendue prometteuse de son talent.

Nullement décontenancé par les statues d'Anne Roumanoff et de Kev Adams qui entourent la scène, se lance dans la Fantaisie chromatique de Bach avec détermination, faisant admirer dès cette pièce inaugurale d'une complexité extrême certaines caractéristiques de son jeu présentes toute la soirée : grande maîtrise technique, liberté dans les rythmes, changements de clavier et de jeux de cordes fréquents et notamment en plein morceau.

L'alternance de pièces de Bach et de Rameau permet de faire dialoguer ces deux génies du clavier. L'enchaînement de la Fantaisie chromatique et de L'Enharmonique suivie de L'Égyptienne est par exemple très bien senti, la recherche subtile dans des mouvements parfois suspendus du Français succédant à la musique sans failles mais non moins complexe de l'Allemand. Si l'on peut déceler quelques discrets signes de crispation dans la fugue de la Toccata en mi mineur, par ailleurs bien conduite et avec ampleur, la Suite en la mineur de Rameau est sans conteste le sommet du concert. Dès la longue Allemande, captive son auditoire, et ne le lâche plus jusqu'aux étourdissantes arabesques de la Gavotte et de ses doubles. Si on peut regretter une Courante un peu trop rapide, voire précipitée, la manière d'amener les modulations et les chromatismes (c'est le thème de la soirée) dans la Sarabande est remarquable. On note également la très grande agilité du jeune claveciniste, doublée d'un calme olympien, dans les deux dernières pièces, très virtuoses : Les Trois Mains (le titre le dit bien) et la Gavotte.

La soirée se poursuit avec une fantaisie de Sweelinck, très intéressante mais représentant un saut temporel et stylistique trop important avec Rameau pour pouvoir être bien appréciée, enchaînée à une sonate de Scarlatti jouée de fort belle manière. Enfin, un Fandango de Soler clôt le programme, pièce de caractère dans laquelle on retrouve, comme parfois chez Scarlatti, des accords plaqués de guitare. La musique entraîne et captive, mais finit par se révéler un peu indigeste à la longue.

Tout au long de ce concert, joué par cœur à l'exception du Sweelinck et du Scarlatti, Justin Taylor aura montré une grande maîtrise, une belle musicalité et beaucoup de naturel pour faire ressortir toute la couleur des partitions choisies. On pourrait lui reprocher ses nombreux accelerandi, souvent brusques, mais certainement pas une mauvaise compréhension du discours musical ou une approche naïve des œuvres. Justin Taylor a tout d'un futur grand.

Crédits photographiques : © Jean-Baptiste Pellerin

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