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Les violes de gambe de Mare Nostrum chantent à la gloire de Rome

Pour un week-end, Radio France a rendu honneur aux cordes frottées avec son festival À vos archets.

Étonnamment, l' et son directeur artistique, , nous proposent un voyage à Rome tourné vers le lien entre la parole et la musique. Hors sujet ? La viole de gambe était considérée comme l'instrument idéal pour imiter la voix humaine. La relation est donc toute trouvée ! Et est même démontrée lorsque le baryton , malade, doit être remplacé au pied levé par la basse de viole d'. Riche d'enseignement, de lyrisme et de musique italienne, ce concert se révéle être un merveilleux moment de partage.

La fragilité de ces instruments fait assurément leur force, aujourd'hui, en 2017. Ainsi, c'est un concert avant le concert qu'impose l'accordage de ces quatre violes de gambe de différentes tailles. , avec son dessus de viole, mène ce moment avec une douce bienveillance, chaque instrument s'accordant l'un après l'autre, corde après corde. Pendant ce temps, ce n'est pas de l'ennui ni de l'agacement, mais bien de l'attachement que l'on ressent pour ces instruments venus d'un autre temps, oubliés certainement pour ce qu'ils représentaient, symboles de l'aristocratie et de la noblesse que l'on avait souhaité dépasser à la fin du XVIIIe siècle. Mais qu'il est agréable de retrouver ces violes dans une configuration qui les met autant en valeur ! prend ensuite la parole pour présenter l'archet et la grande diversité de celui-ci dans la période baroque, le lien entre sa forme et le son émis, mais aussi la forme en « cacahuète » de la viole de gambe, ses cordes en boyau de mouton (qui seront utilisées jusqu'à Strauss), ses origines espagnoles, ou encore ses liens de parenté avec les instruments moderne : loin d'être une ancêtre, la viole de gambe est en réalité la cousine du violon et de la guitare… La relation avec le public se crée tout naturellement.

La Toccata avanti la Messa della Domenica de est une bonne entrée en matière : l'écriture contrapuntique permet en effet à chaque viole de prendre la parole, comme pour nous saluer, avant que ne se développe par la suite une riche discussion musicale. Pourtant, ces Fiori Musicali sont au départ de la polyphonie pour orgue, instrument présenté par Andrea de Carlo comme un « moteur de voyelle » alors que la viole de gambe, grâce à ses cordes que l'on peut pincer, est pour lui un « moteur de double consonne. » Cette transcription, loin d'être déstabilisante, magnifie le traitement des lignes mélodiques, dans l'attaque de chaque son et dans le maintien des notes longues.

La suite du concert est encore plus audacieuse, la programmation tournant autour de madrigaux (de la polyphonie vocale, donc) de la famille Boschetto Boschetti père et fils, et de . La narration très claire d'Uranio non dormir, extrait du second livre de madrigaux de , donne l'occasion à l' de mettre en lumière la relation entre le tactus (le rythme) musical et les rythmes de la parole. Les deux madrigaux de Mazzocchi correspondent quant à eux à la fin de cette forme ancienne de musique vocale à Rome. Le tactus y est plus fixe avec l'intégration d'une basse continue au théorbe qui nous permet de goûter au jeu virtuose du luthiste .

Après les cinq danses virevoltantes de Hieronymus Kapsberger jouées par l'ensemble des musiciens, transmet le dernier témoignage de la manière de jouer de son instrument en soliste avec une sonate du dernier luthiste romain qui a composé pour cet instrument, le luth s'intégrant par la suite au continuo à l'opéra. Mais le voyage à Rome ne pouvait pas être complet sans l'un des fleurons du répertoire baroque romain, . Et même si la voix (sacrément !) malade de n'a pas sa fureur habituelle, l'artiste arrive admirablement à dépeindre toute la chaleur italienne dans ces chants populaires, jusqu'à offrir un bis des plus savoureux. Ce dernier air, extrait de l'ultime opéra d', fait écho au prochain grand projet de l', qui part en studio dès septembre pour enregistrer La Doriclea. Espérons que ce soit avec la même générosité.

Crédit photographique : Andrea de Carlo © Festival

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