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Van Eyck augmenté, avec Alexis Kossenko et Lucía Martín-Cartón

Une promenade à travers l'Europe musicale du milieu du XVIIe siècle à partir de l'œuvre du Néerlandais : voilà ce que proposaient la soprano et aux spectateurs du théâtre Grévin.

Avec Der Fluyten Lust-Hof, littéralement « Le jardin des délices de la flûte », l'organiste et flûtiste d'Utrecht a rassemblé un grand nombre de mélodies de toute l'Europe, qu'il a transcrites pour flûte à bec et agrémentées de variations plus virtuoses les unes que les autres. Le résultat est une somme d'une incroyable richesse, un réservoir considérable de pièces pour travailler les diminutions, et aujourd'hui un incontournable dans la bibliothèque du professeur de flûte à bec. Mais comment rendre intéressante pour le public une succession de pièces pour instrument solo qui, même jouée par le meilleur des flûtistes, peut rapidement s'avérer quelque peu lassante ? La réponse d' s'imposait : en revenant aux pièces qui ont inspiré Van Eyck, et donc en rétablissant une voix chantée et une basse continue.

Fidèle à l'esprit du baroque, varie les instruments, utilisant cinq ou six flûtes à bec différentes, de la basse à la soprane, ainsi que deux traversos. Il varie aussi les combinaisons : tantôt il introduit un morceau, avec les variations de Van Eyck, avant de laisser la place au chant et au continuo pour le morceau original, tantôt il rejoint le chant, tantôt encore il superpose le chant original et les variations de Van Eyck, comme dans Réveillez-vous chacun fidèle de Paschal de l'Estocart. Parfois la flûte reste seule et s'en tient à la partition de Van Eyck, parfois au contraire elle n'intervient pas, comme dans le très beau Onder de Linde Groene d'après The Lord Souches Maske de Giles Farnaby. Parfois aussi le thème de départ est une danse, comme celui de la Bourrée de Praetorius, et n'appelle pas l'intervention de la voix. Les combinaisons, en fait, semblent infinies, et réservent d'agréables surprises, même à l'auditeur familier de ce répertoire. Mais au-delà de ce dispositif extrêmement plaisant, c'est le relief que mettent dans cette musique les interprètes, qui est le véritable moteur de la soirée.

Le programme prend soin également de varier les origines géographiques des mélodies ainsi jouées, retravaillées, arrangées, car Van Eyck semble avoir entendu toute la musique qui circulait à son époque en Europe occidentale. , passée par le Jardin des voix de William Christie, déambule avec bonheur dans ce jardin-ci. Elle domine remarquablement le passage du vieux néerlandais à l'allemand, puis à l'anglais, l'espagnol, le français avec prononciation d'époque, et pour finir l'italien. Si la soprano ne semble pas complètement à son aise dans toutes les mélodies, certaines sont très réussies comme les « tubes » Daphne, très opératique, ou la Pavane Lachrimae d'après Flow my tears de Dowland avec au traverso soprano ; mais aussi, moins connu, le très beau Aerdigh Martyntje/Voicy tantost la froidure bannie d', magnifiquement doux et expressif à la fois. Alliée à la virtuosité d'Alexis Kossenko, à la justesse du jeu d' au clavecin et à la fantaisie du théorbe et de la guitare de , la belle voix claire et expressive de contribue à la réussite du programme. Une soirée comme on voudrait en vivre plus souvent.

Crédits photographiques : Alexis Kossenko © Sanja Harris ; Lucía Martín-Cartón © Philippe Delval

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