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Gottfried von der Goltz dans Geminiani, ou l’échappée belle

, en compagnie de quelques amis partenaires proches de son , nous propose la découverte, en première discographique mondiale, des douze compositions extraites du traité The Art of playing on the violin de . Ce bel enregistrement est complété par deux sonates de l'opus 4 du compositeur et violoniste italien de naissance, mais européen avant la lettre.

(1687-1762) n'a pas la notoriété posthume de ses contemporains : celle de Haendel, par exemple, avec lequel il joua à Londres ses propres concerti en 1715. La faute en incombe sans doute à une œuvre de dimension restreinte (purement instrumentale et techniquement exigeante, comme celle de son maître à penser Corelli), à un caractère instable, misanthrope ou arriviste, à un esprit d'indépendance farouche et à une carrière nomade qui le mena au quatre coins de l'Europe musicale, de Naples à Londres ou de Paris à Dublin.

Formé en Italie, entre autres par Alessandro Scarlatti pour le clavier (un peu) et la composition (surtout) et par Arcangelo Corelli pour le violon, il laisse quelques opus dont le style sert de trait-d'union entre celui de son mentor violonistique et celui de la génération montante des virtuoses surtout français, d'inspiration italienne, comme le génial . The Art of playing on the violin est un important traité, axé sur la pratique de l'instrument pour des prarticiens déjà aguerris, et fait suite à d'autres essais du même Geminiani sur le « goût » en matière d'exécution musicale. Son propos est sans doute à rapprocher mutatis mutandis du célèbre ouvrage de François Couperin L'art de toucher le clavecin, de trente-cinq ans antérieur : importante préface théorique suivie d'une bonne vingtaine d'« exemples » (sic), exercices techniques qui mettent celle-ci en pratique et surtout de douze « compositions » (re-sic) d'un véritable intérêt musical, seules ici retenues, lesquelles permettent la réalisation et mise en place dans le flux discursif des divers éléments évoqués. Les six premières sont de courtes pièces de virtuosité, insistant aussi sur la réalisation correcte de l'ornementation, le doigté du soliste ou la technique d'entretien du son (avec ces fameux « soufflets » baroques). Les six dernières explorent le jeu polyphonique ou les doubles cordes. Les compositions 9 à 11, assez synthétiques, peuvent même s'enchaîner et former une courte sonate en si mineur ; quant à la douzième, la plus développée du recueil, au style déjà pré-classique, elle pourrait presque être une pièce autonome.

En complément de ce florilège, ce disque propose deux des sonates de l'opus 4, de type « da chiesa », où le talent du compositeur éclate au grand jour, entre les derniers feux du baroque et l'émergence d'une nouvelle sensibilité qui mènera quelques années plus tard au style « galant ».

On peut compter sur la main experte de pour mettre ce répertoire en valeur. En exergue des douze compositions, il propose une improvisation personnelle inaugurale d'un goût parfait – ce qui modifie un peu maladroitement le découpage de cet opus 9 en plages. Jamais, en matière de réalisation, la musicalité du violoniste allemand n'est prise en défaut. Suivre son interprétation avec l'édition originale du traité est un régal. On voit ainsi exactement comment deux siècles et demi plus tard, par rapport à une partition certes détaillée mais « squelette » de toute interprétation digne de ce nom, la réalisation du violoniste allemand est idoine et jamais excessive. Ici et là, il y va de son ajout, comme cette ultime reprise très ornée du thème de la huitième composition. Il en va de même dans les deux sonates de l'opus 4 dont chaque reprise observée permet à notre brillant soliste de donner libre cours à son imagination par une ornementation supérieurement assumée. Il est parfaitement suivi par ses partenaires à la basse continue (d'une couleur chatoyante et variée), au violoncelle, au clavecin, et au théorbe. Peut-être les seules réserves concernent-elles la prise de son, un peu trop réverbérée jusqu'à la dureté ou la gerçure du son du violon, et avantageant parfois une certaine acidité (m)aigrelette, d'ailleurs variable selon les différentes installations sur lesquelles nous avons écouté ce disque. Le minutage un peu court du CD aurait sans doute également permis d'insérer l'une ou l'autre sonate supplémentaire de cet intéressant opus 4. Minces réserves face à un disque que l'on recommandera à tous les amateurs de violon ancien et baroque, vu la première mondiale que constitue la gravure des douze compositions de l'opus 9.

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