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Bayreuth : Tannhäuser pour tous

En marge des opéras de Wagner qui attirent la planète entière au Festspielhaus, le festival propose dix représentations de Tannhäuser für Kinder, une entreprise pédagogique à l'adresse de son public de demain mais aussi aux wagnériens curieux.

Depuis 2010, Bayreuth a rapetissé tous les dix chefs-d'œuvre du Maître afin de les faire connaître aux enfants. D'une nouvelle durée d'une heure chrono, donnée sans entracte, leur dramaturgie imparable, intelligemment condensée par et Markus Latsch, tient en haleine un public enfantin ravi (et préparé en amont par des étudiants de la Studiengang Maskenbild-Theater und Film Bayerische Theaterakademie August Everding de Munich) mais aussi le wagnérien loin de soupçonner la fontaine à gags dissimulée dans le Gesamtkustwerk de son idole. Si l'on en juge sur le seul Tannhäuser de 2017, précisons que l'œuvre réduite ne perd en rien de sa séduction.

La mise en scène de est une merveille drôlatique : un Tannhäuser velléitaire au possible vibrionne entre une facétieuse Vénus à jardin et une Elisabeth en salopette, délaissée, boudeuse et rancunière, qui « grave» des T et des E à la craie sur les murs. L'orchestre, visible, occupe la place centrale d'un plateau de verdure tout en longueur, le long duquel serpente une rivière « tricotée » par une respectable vieille dame assise sur un banc à cour, au côté d'un monsieur en chapeau melon. L'un et l'autre, muets, seront « Elle » et « Lui », les deus ex machina adultes (en comparaison de personnages se comportant effectivement tous comme des enfants, Wolfram, Biterolf et même le Landgrave ferraillant avec des épées et des heaumes de carton de cour d'école.) « Lui », c'est la doublure du pape de Wagner, d'abord intraitable, dont « Elle » parviendra à infléchir la radicalité. Le plus amusant, c'est peut-être ce moment de la Marche du deuxième acte où, en moins de trois minutes, chacun des 300 spectateurs se retrouve coiffé d'une couronne de carton et transformé en invité au Tournoi de la Wartburg.

Les 30 musiciens du Brandeburgisches Staatsorchester de Francfort, emmenés avec éclat par Boris Schäfer, font entendre la nouvelle version de l'œuvre (revue par Marko Zradek), aussi lisible que l'originale. Le même bonheur musical se retrouve chez les chanteurs qui, pour la plupart, se sont éclipsés du Festspielhaus. Melot la veille, est Biterolf, et passant respectivement d'un Steuermann tristanien à un sonore Wolfram, d'un Knappe parsifalien à un Walter enflammé. Freia chez Castorf, la drôlissime endosse une Elisabeth qui a l'air d'avoir 10 ans. , ex-Fille du Rhin chez le même, est Vénus. La distribution est impeccable, affinée par le remarquable Landgrave de et le Tannhäuser au second degré mais puissant de .

Un programme des plus instructifs, lui aussi très joueur (avec quiz et mobile à fabriquer), accompagne la production qui sera fixée, comme les autres, sur DVD.

Crédits photographiques : Jörg Schultze

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