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Imperial Live Festival : une affiche pour toutes les oreilles

Un cadre somptueux – celui de l'Imperial Palace au bord du lac d'Annecy – une salle bien sonnante et des artistes renommés, voilà de sérieux atouts pour le Festival « Plaisir de Musiques », l'un des moments forts de l'Imperial Live Festival que le maître des lieux (lire notre entretien) porte avec ardeur et conviction. Le même élan anime sa directrice artistique Elizabeth Cooper, pianiste émérite et chef d'orchestre dont la programmation, au croisement des générations, convie cette année solistes internationaux – , … – et « jeunes pousses » prometteuses.

Au lendemain d'une master-class publique donnée par la pétulante Madame Cooper, trois jeunes pianistes sont sur la scène pour le concert « jeunes prodiges » donné en soirée sous la houlette de leur professeur. Après un premier mouvement plus théâtral que musical du Concerto K. 414 de Mozart, où le soliste Paul Ji dialogue en bonne entente avec le piano d'Elisabeth Cooper, le jeune pianiste chinois de 13 ans enchaîne avec le célèbre Liebestraum (Rêve d'amour) de dans lequel il révèle un toucher brillant et un tempérament de feu. Il l'exerce également dans le Rondo alla turca de Mozart joué en bis. Sa sœur Esther, 15 ans, fait preuve d'une belle assise rythmique et d'un abattage virtuose dans l'Étude op. 25 n° 9 de Chopin. Si sa Valse op. 34 n° 1 manque encore d'une certaine liberté de jeu, elle n'en trahit pas moins les qualités d'un caractère bien trempé. Jan Jakub Zielinsky, 16 ans, d'origine polonaise, est le lauréat 2017 du concours Steinway supérieur. Ce garçon étonnant a mis à son programme trois œuvres d'envergure : la Sonate Pathétique de Beethoven pour commencer, qui met en valeur une concentration et des qualités techniques évidentes : clarté de l'articulation et toucher sensible autant que personnel. Après une première Ballade de Chopin très touchante, son Scherzo n° 1 impressionne, par la maîtrise du clavier et l'énergie du geste à l'œuvre dans une des pièces les plus aventureuses du maître polonais.

Ce n'est pas Lambert Wilson, souffrant, que nous entendons le jour suivant mais l'immense guitariste , seul en scène pour un récital flamboyant : par le panel des œuvres à l'affiche et les qualités, tant sonore que musicale, qu'il fait valoir sur son instrument avec une aisance et une maîtrise souveraines… qui lui permet d'ailleurs de s'adresser très spontanément au public, voire de le faire rire à plusieurs reprises. Sonorité profonde, couleurs et charme mélodique enchantent les trois pièces de Tárrega sollicitant une technique de haut vol. La guitare « zingue » parfois lorsqu'elle veut imiter les sonorités du tambour. Intimiste certes, la guitare d', qui n'est pas amplifiée ce soir, dévoile l'étendue d'un vaste champ de résonance qui subjugue notre écoute : langueur andalouse et aura chaleureuse dans Recuerdos de la Alhambra, sons harmoniques perlés dans la Gran Jota, obtenus avec une facilité aussi insolente que fascinante. Les autres œuvres sont toutes des transcriptions, engageant la dimension virtuose de l'instrument. Extraite des Danzas españolas pour piano, Andaluza de Granados laisse s'épancher le melos populaire délicatement stylisé. Si notre guitariste accuse les nervures rythmiques d'Asturias d'Albéniz, la partie centrale acquiert sous ses doigts une profondeur et un mystère saisissant. Les acciaccatures (notes « collées ») pimentent délicieusement le thème dans Primavera Porteňa d', une pièce aussi sensuelle qu'envoûtante dans l'interprétation d'Emmanuel Rossfelder. Verdi et Paganini viennent assez rarement sous les doigts d'un guitariste. La Fantaisie sur des thèmes de La Traviata n'a pourtant pas l'air d'inquiéter notre soliste dont les doigts de magicien transcendent cette réécriture où passent les plus beaux airs de l'opéra. Le Caprice n° 24 et La Campanella de , qui terminent en beauté le concert, se situent aux limites techniques de la guitare (comme du violon d'ailleurs) mais n'abdiquent pas le sens musical. Le jeu spectaculaire et vertigineux de l'interprète n'accusant aucune faiblesse comble tout à la fois les yeux et les oreilles. La pièce de Luigi Mozzani qu'il joue en bis est l'occasion, à travers la technique du « double tremolo trois cordes », de rendre hommage à son maître Alexandre Lagoya sur les brisées duquel marche glorieusement ce guitariste d'exception.

Crédits photographiques : © Imperial Palace

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