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Bain de jouvence avec Grease au Théâtre Mogador 

Il existe parfois des maux pour des biens. Ainsi, le Théâtre Mogador, qu'on a connu bien poussiéreux et pas vraiment engageant, renaît de ses cendres, dans tous les sens du terme, puisque très endommagé en 2016 à la suite d'un incendie dans ses sous-sols, il revient un an après complètement rénové, avec Grease, la célèbre comédie musicale.

La salle est maintenant magnifique, rutilante. Tapisseries, peintures, dorures, machinerie, tout a été refait avec amour et minutie, et le résultat est exemplaire. Tout comme l'est cette production de Grease, conçue pour attirer un public nombreux et varié, car il ne s'agit pas d'un spectacle acheté clé en main, mais d'une véritable création.

Les textes sont traduits (fort bien) en français, avec un surtitrage en anglais, sauf en ce qui concerne les tubes, laissés en langue originale. On aurait en effet eu du mal à entendre les « tell me more » ou « you're the one that I want » qui ont bercé notre jeunesse, dans un autre langage. Les surtitres, visibles sur des écrans de côté, sont destinés à une clientèle internationale, c'est paradoxalement amusant. L'orchestration a été également revue, sous la supervision du talentueux , décidément à l'aise dans tous les répertoires, pour lui donner un côté un peu plus fifties, et fait la part belle aux cuivres. Le chef, invisible de la salle, dirige son monde avec une précision diabolique.

Les décors sont très colorés, limite criards, mais rendent bien les différents lieux de l'action. Les costumes arborent une débauche de jeans moulants, de blousons de cuir et de robes à jupons froufroutants. C'est alerte, vivant, et ça nous plonge d'emblée dans un univers lycéen de drague, de bagnoles retapées, de clopes allumées à tout va, une époque où le seul danger d'un préservatif craqué était de tomber enceinte (la création date de 1971). Ce jour de première, il y a peu de jeunes dans la salle, on ne peut s'empêcher de se demander ce qu'ils penseraient de cet univers si éloigné du leur.

La chorégraphie est une merveille d'énergie et d'à propos, c'est elle qui donne tout son peps et sa fraîcheur au spectacle. Mais tout cela ne serait rien sans une distribution jeune, engagée, et véritablement talentueuse. Tous artistes accomplis, c'est un bonheur de les voir danser, bouger, chanter avec tant d'aisance et d'énergie.
Alexis Loizon n'a rien à envier au John Travolta d'il y a presque 40 ans. Beau comme un dieu, fin comme une liane, c'est un Danny qui brûle les planches, et attire tous les regards. On sera un peu plus réservée concernant la Sandy d'Alyzée Lalande, fort jolie mais qui manque un peu de nuances et de coloration dans son chant.
est un véritable régal en crooner déjanté et vieillissant, en voilà un autre qui sait passer d'un répertoire à l'autre sans laisser son talent au vestiaire !

En miss Lynch, Céline Groussard fait montre d'une authentique capacité de meneuse de revue. Le début de la deuxième partie, où elle s'adresse directement au public, est digne d'un numéro de cabaret, et on la soupçonne d'avoir largement improvisé à chaud. Son compère, l'Eugène d'Alexandre Faitrouni, avec son xylophone magique, est tout aussi hilarant, et ne laisse pas sa part au chat quand il s'agit de danser. En meneuse des pink ladies, Emmanuelle N'Zuzi fait montre d'une plastique aussi agréable que sa voix et son jeu de scène. Enfin, le groupe des mauvais garçons au cœur tendre (Yanis Si Ah, Doryan Ben, Jérémy Petit, David Sollazzo) et des filles délurées (, Asrou Malva Gueye, Florie Sourice, Véronique Hatat, Luna Chiquerille) sont tous à citer pour leur chic, leur flamme, leur dynamisme.

Même si la comédie musicale n'est pas forcément dans nos premiers choix, avec ce spectacle on est garanti de prendre un grand bain de jouvence !

Crédit photographique : © Alessandro Pinna

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