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Rigoletto avec un jeune et beau ténor à l’Opéra de Tours

L'Opéra de Tours ouvre sa saison avec Rigoletto dans une production conventionnelle de déjà vue à Reims et Limoges quatre ans plus tôt. On s'attardera alors surtout sur la distribution avec une belle découverte, , un jeune ténor remplaçant au pied levé le Duc de Mantoue, face à la Gilda à l'aigu solide d' et à l'attirante Maddalena d', tandis que la fosse insuffle un air particulier grâce aux inspirations de .

Alors que l'Opéra de Paris va débuter ses représentations ultra-médiatisées de Don Carlos, l'Opéra de Tours utilise intelligemment un budget incomparablement moins élevé pour ouvrir sa saison avec un autre chef-d'œuvre de Verdi, Rigoletto. Les plus petits rôles étant tenus avec plus ou moins de réussite par des chanteurs du chœur, le premier personnage dévolu ce soir à un soliste confirmé est celui du vieux Monterone, surprenant dans la couleur du timbre encore jeune bien qu'emporté vers le grave par . Lors de cette première, le baryton entre cependant plus dans le rôle à son retour à l'acte III que dans ses incantations  »Sii Maledetto » à la fin de la scène 1. Autre habitué de Monterone mais ce soir Sparafucile aux graves profonds et noirs, intéresse également plus dans sa réapparition à la grande scène de l'Acte III qu'à la Scène 2 de l'acte I où la ligne de chant est encore aléatoire.

Le jolie brin de voix d'Eléonore Pancrazi ravit dans le rôle de Giovanna, même si la première place de mezzo-soprano est évidemment donnée à Maddalena, ici , aguicheuse par les gestes comme par le timbre, surtout dans la couleur du bas-médium. Rôle-titre de l'opéra, le Rigoletto de Davit Babayants intéresse d'abord par le style donné à son personnage, voulu faux bossu par la mise en scène avec une protubérance contenue dans la doublure du manteau. Le baryton possède les notes et monte même jusqu'au traditionnel la bémol dans le premier duo, sans aller chercher si haut aux deux autres moments possibles de l'œuvre. Mais le timbre nasal et l'absence de finesse dans le jeu finissent par fatiguer, surtout lors de la peu touchante scène finale. L'attention se tourne alors vers Gilda, , agile dans les vocalises et à l'aise dans le registre aigu jusqu'au contre-ut, bien que les sons filés puissent être encore mieux gérés.

D'abord prévu pour Fabrizio Paesano annoncé souffrant, le rôle du Duc de Mantoue est confié au jeune ténor mexicain , dont on apprend qu'il n'est arrivé que trois jours auparavant sur la production. En troupe à Karsruhe depuis le début de saison, le jeune homme impressionne par la tenue de la voix et sa capacité à ne pas faire passer l'un des protagonistes considérés comme le plus stupide de Verdi pour un idiot. Il en fait au contraire un jeune homme aimant, Don Juan physiquement crédible qui ne cherche jamais à jouer au héros et garde une véritable introversion, tant physique que  vocale, quitte à ne pas essayer de monter au contre-ré pour conclure la cabalette.

La mise en scène montre que sait quel sujet il traite. Avec des costumes classiques et un décor mural présentant un demi-ovale de pierres brutes, recouvertes de miroirs pour les scènes de bal, il propose une ouverture de rideau avec prétendantes et prétendants en position du Kâma-Sûtra, puis bacchantes autour de Gilda, et utilise des œuvres d'art pour illustrer son propos autour de l'acte physique d'amour, par exemple le détail d'une fresque de Pompeï vu en arrière-scène à l'acte II. Les idées sont cependant faibles pour revisiter ou exalter le livret tiré de la pièce de Victor Hugo, à l'inverse des propositions du chef.

développe la partition avec un orchestre réparti entre la fosse et les deux loges de côté. Il évite tous les travers vulgaires que l'on trouve parfois dans l'œuvre et lui donne au contraire un dramatisme passionnant dès l'ouverture. Les soli de bois attirent, notamment ceux du premier hautbois, même si c'est par les cordes que les effets les plus impressionnants apparaissent, avec une incroyable gestion du crescendo dans les derniers instants de l'acte I ou une superbe dynamique sous l'air Cortigiani, vil razza dannata à l'acte II. Les cuivres ne déméritent pas non plus, surtout les trombones, le cimbasso ayant été remplacé par un trombone basse plutôt que par l'habituel tuba. Avec une meilleur mise en scène et un chanteur plus sensible dans le rôle principal, la représentation aurait trouvé une envergure idéale !

Crédits photographiques : © Sandra Daveau

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