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Soirée russe avec Mikhaïl Pletnev et l’Orchestre national de Russie

Traditionnel passage à Paris de l' conduit par son directeur musical, le pianiste et chef d'orchestre . Un programme alléchant qui propose des œuvres rarement données de Karlowicz, Rachmaninov et Scriabine, à l'origine d'un magnifique concert qui vaut plus par la qualité orchestrale du RNO que par la prestation, somme toute assez fade, du pianiste invité Nikolai Lugansky.

Une soirée slave qui commence par une découverte : Conte triste, sous-titrée Préludes à l'éternité, de Mieczyslaw Karlovic, un musicien polonais disparu prématurément, fondateur du groupe de compositeurs « Jeune Pologne », dont le chef russe avait déjà donné la Sérénade pour cordes dans cette même salle, en mai 2017. Pour l'heure, c'est du dernier des poèmes symphoniques de Karlowicz dont il est question. Une œuvre qui fut composée en 1908, d'esthétique post-romantique, empreinte d'un symbolisme pessimiste et d'une aspiration à un absolu inaccessible, elle s'inscrit de manière évidente dans la lignée de Scriabine. Une pièce où alternent un statisme sépulcral et de grandes vagues orchestrales fortement cuivrées, et qui s'achève dans un lento lugubre. Belle occasion pour Pletnev de tester ses troupes, superbes au demeurant, et très réactives à sa direction aussi économe qu'efficace.

Après ce tour de chauffe orchestral, la Rhapsodie sur un thème de Paganini de marque un des temps forts de la soirée, avec la participation attendue du célèbre pianiste Nikolaï Louganski. Petite déception, car force est de reconnaître que la partie orchestrale nous paraît rapidement plus intéressante que la partie de piano… Plus de fantaisie et de couleurs dans la vision de Pletnev que dans la lecture du pianiste russe, virtuose certes, mais assez froide et rigide. Conçue par le chef russe plutôt comme une mosaïque de différentes variations autour du 24e Caprice de Paganini, que comme un cinquième concerto pour piano, se plaît à en caractériser nettement les différentes ambiances, le plus souvent sombres, voire dramatiques, parcourues par le thème grégorien du Dies Irae, tandis que la dix-huitième variation, très lyrique, voit enfin affleurer l'émotion et la poésie sous les doigts de Nikolai Lugansky.

Après la pause, la Symphonie n° 2 de Scriabine constitue, à l'évidence, le grand moment de ce concert. Rarement donnée sur scène (on lui préfère souvent la plus audacieuse Symphonie n° 3 ou le Poème de l'extase), composée en 1901, de facture plus classique que les autres pièces symphoniques du compositeur russe, elle débute par une introduction mystérieuse à la clarinette (excellent Nikolaï Mozgovenko) à laquelle s'enchaîne un Allegro plein d'allant qui fait sonner l'orchestre jusqu'au paroxysme. L'Andante, au cœur de la partition, fournit un intermède champêtre, lyrique et méditatif, ponctué de chants d'oiseaux (magnifique flûte de Maxim Rubtsov et violon solo d'Alexei Bruni) suivi d'un Tempestuoso très démonstratif avec son vrombissement des cordes, avant un Final grandiose, pour ne pas dire grandiloquent, qui apparaît, sans nul doute, comme le maillon faible de cette partition. et l'ONR se trouvent ici dans leur jardin, tant cette œuvre est emblématique de « l'âme russe » au travers des influences de Rimski-Korsakov, Tchaïkovski ou encore Rachmaninov ; et ils nous en prodiguent une interprétation luxuriante, dynamique, très colorée, contrastée, poétique ou violente, tendue et passionnante de bout en bout.

Une lecture, en tous points, très convaincante, un orchestre superbe et une direction aussi intelligente qu'efficace. Que demander de plus ?

Crédits photographiques : Mikhaïl Pletnev © KBS Symphony Orchestra

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