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Jakub Józef Orliński, une jeune star à Gaveau

Alors que la ferveur dans cette salle Gaveau est à son apogée dès le début de la soirée, la performance prometteuse de va crescendo pour un « art des castrats » parfois encore un peu trop grand pour lui.

Formé à la prestigieuse Juilliard School de New-York, le jeune contre-ténor polonais rencontre depuis deux ans un succès international retentissant, entre les reconnaissances officielles comme le prix Metropolitan Opera National Council en 2016 ou encore un contrat d'exclusivité signé récemment avec le label Erato, et les reconnaissances d'un public de plus en plus important, comme l'été dernier à Aix-en-Provence avec Erismena ou durant Les Jardins des Voix de William Christie. Pour ce premier récital parisien, la queue est longue pour passer les portes de la salle Gaveau. Dans une salle comble et survoltée, où un bon nombre de spectateurs n'hésitent pas à photographier la nouvelle star lyrique à chaque interruption, le large sourire du chanteur et sa personnalité attachante répondent à l'effervescence et à l'affection qu'il reçoit.

Mais pour apprécier ce récital au mieux, il faut l'aborder comme les premiers pas prometteurs d'un artiste, avec tout ce que l'imagination de l'auditeur peut engendrer à l'écoute de cette performance. Dans la première partie autour de cantates d' (Cessate omai cessate, Amor hai vinto), le contre-ténor ne paraît pas toujours en phase avec la partition qui est sous ses yeux. Le premier récitatif fait entendre une diction bien trop molle pour que l'on soit pleinement séduit par ce timbre de falsetto joliment coloré qui éclot malgré tout dans la seconde cantate, par la qualité de sa ligne de chant bien présente dès les premières notes, et par d'agréables sons droits. Le charme du chant baroque se déploie avec un peu trop de mesure dans l'air Passa di pena in pena, autant dans les vocalises que dans les ornementations, alors que le violon survolté de rehausse cette première partie dans le Concerto en si bémol majeur de Telemann, grâce à l'éclat du jeu et la virtuosité du musicien, mais surtout par son sens affirmé de la rhétorique que lui et son orchestre Il Pomo d'oro porte avec fougue.

C'est une atmosphère bien différente dans laquelle nous entraîne en seconde partie de soirée. Le pupitre n'est plus là, comme preuve que le jeune chanteur maîtrise nettement mieux les airs d'opéras de Haendel sélectionnés ce soir. L'interprétation se fait bien plus théâtrale, lui permettant de prendre enfin possession de cette salle, tant pas son attitude que par sa projection vocale. Le chant se fait aussi plus souple dans les vocalises dont la vélocité est impressionnante (Furibondo spira il vento), les couleurs et les atmosphères s'enchaînent et se complètent à merveille. Les intentions, nombreuses, sont bien palpables alors que les bas mediums, d'une agréable qualité, résonnent à plusieurs reprises. Pour affirmer cette bonne impression, la poésie et le déferlement du Concerto pour violon en ré majeur de jaillissent du premier violon, rencontrant à la fin de cette prestation une ovation amplement méritée.

En bis, Jakub Józef Orliński ne manque pas d'interpréter le larghetto de Vedro con moi diletto qui a contribué à sa notoriété (notamment sur les réseaux sociaux). La soirée se conclut par une singulière interprétation, la voix plus aiguë de se mêlant à celle de la star du soir, presque détrônée par son compagnon de chant, pour un surprenant duo haendélien haut en couleur.

Crédits photographiques : Jakub Józef Orliński © Piotr Porebsky

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