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Tugan Sokhiev, d’une éblouissante noirceur dans Chostakovitch

De passage à la Philharmonie de Paris, l' et son directeur musical donnent une interprétation remarquable de la Symphonie n° 12 de .

Le programme est totalement dédié au répertoire russe, comprenant deux œuvres bien connues, mais finalement assez peu jouées sur scène, le Concerto pour violon de Glazounov et la Symphonie n° 12 de Chostakovitch. Deux compositions dont la mise en miroir paraît particulièrement pertinente sur le plan musical, du fait de leur similitude de construction en un mouvement unique, et de la présence d'un thème récurrent parcourant l'ensemble de la partition. Pertinence historique également, puisque Glazounov, élève de Rimski-Korsakov, fut lui-même le maître de Chostakovitch au conservatoire de Saint-Pétersbourg, apparaissant ainsi comme le jalon intermédiaire entre le « Groupe des Cinq » et l'identité musicale soviétique représentée notamment par Chostakovitch et Prokofiev.

ouvre la soirée avec le Concerto pour violon, créé à Saint-Pétersbourg par Leopold Auer qui en est le dédicataire. L'œuvre alterne virtuosité et lyrisme, en quatre mouvements enchaînés, dont le violoniste russe donne une lecture de belle tenue certes, mais sans passion, où s'exprime toutefois une évidente complicité avec l'orchestre et son chef. Une interprétation assez fade qui ne restera pas dans les mémoires, suivie en guise de bis par le Grand Adagio du ballet Raymonda du même Glazounov.

Changement d'ambiance en deuxième partie avec la Symphonie n° 12 de Chostakovitch. Une symphonie composée en 1960-1961, sur commande du parti communiste soviétique à l'occasion du 90e anniversaire de la naissance de Lénine, où Chostakovitch retrace quelques étapes marquantes de la révolution de 1917, d'où son nom (Petrograd, les Crues, Aurore et Aube de l'humanité). Un pseudo programme un peu grandiloquent derrière lequel se cache, comme souvent chez le compositeur, le désarroi et la rage due à sa nomination au poste de secrétaire de l'Union des compositeurs soviétiques, en même temps que son adhésion forcée au Parti. C'est dire l'ambiguïté et le double langage de cette œuvre dont le danger est évidemment de la prendre au premier degré.

Erreur dans laquelle ne tombe pas qui donne de cette composition un peu mal aimée une lecture intelligente, claire, équilibrée sans saturation. Dès les premières mesures, le ton est donné par les attaques véhémentes des cordes graves qui installent d'emblée un climat d'urgence, de drame envoûtant, très tendu dans sa progression inexorable. Un épisode lyrique interrompt la tension par un beau solo de cor (Jacques Deleplancque) avant le retour lancinant du thème omniprésent tout au long de la partition, comme une menace. Puis le cor reprend sa péroraison lugubre relayée par l'affliction des cordes d'où émerge un solo funeste de la clarinette (David Minetti) et du trombone (Dominique Dehue). Les pizzicati des cordes, d'abord pianissimo, marquent le début du grand crescendo, fortement cuivré, qui conduit à la cavalcade dansante finale, grandiose et épique, politiquement correcte.

Une interprétation suivie en bis, pour faire retomber la tension, de la Variation n° 9 « Nimrod » des Variations Enigma d'Edward Elgar et d'un extrait de Casse-Noisette de Tchaïkovski.

Le contrat de avec l'ONCT prendra fin en 2019, comme celui d'autres chefs parisiens.

Crédit photographique : Tugan Sokhiev © M. Brenner

 

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