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Ambiance cabaret pour L’Enlèvement au sérail à l’Opéra de Rouen

La mise en scène d' et la distribution vocale qui ne repose que sur des jeunes chanteurs lauréats du Concours International de Chant de Clermont-Ferrand 2017, ne constituent pas les moindres attraits de cette nouvelle production de L'Enlèvement au sérail de Mozart qui séduit de bout en bout par son dynamisme et sa pertinence.

Une fois n'est pas coutume, cette nouvelle production, menée conjointement par le Centre Lyrique Clermont-Ferrand, l'Opéra de Rouen, celui de Massy, de Reims et du Grand Avignon, séduit en premier lieu par la verve et l'originalité de sa mise en scène due, pour l'occasion, à . Exploitant au maximum la forme du Singspiel, alternant, parties chantées et parties parlées, , transfuge du théâtre, spécialiste des projets atypiques entremêlant musique et verbe, resitue l'action dans un cabaret viennois des années 1930, tout en se livrant à un important travail de réécriture des textes parlés. En utilisant plusieurs langues (français, espagnol, anglais, allemand, italien… et même des poèmes soufis !) elle souligne justement le cosmopolitisme et l'instabilité d'une époque dévolue aux plaisirs, avant le basculement que l'on sait. Une transposition parfaitement cohérente, qui surprend au premier abord, mais qui rapidement séduit par sa cohérence, son humour, sa théâtralité (marionnettes, magie, travestissements, chorégraphie), sa direction d'acteurs millimétrée et sa scénographie éclatante, exaltée encore par les éclairages superlatifs de Pierre Daubigny qui trouvent leur apogée humoristique dans les ombres chinoises du duo du II : « Frisch zum Kampf » opposant Blonde et Pedrillo.

Tout, ici, fonctionne parfaitement. L'action se passe dans un cabaret tenu par le louche Selim Pacha et son comparse Osmin qui retiennent prisonnière Constance, la meneuse de revue, avant que le célèbre chanteur hollywoodien Belmonte ne vienne la délivrer au cours d'une soirée de gala très privée, aux allures de « mille et une nuits », organisée pour la haute société viennoise.

L'Orchestre de l'Opéra de Rouen participe également de la fête sous la direction fougueuse d'. Si d'entrée de jeu, l'Ouverture paraît un peu houleuse par son phrasé acéré manquant de legato et de rondeur, le chef néerlandais parvient rapidement à retrouver la juste mesure entre relief orchestral et service des chanteurs. Le n'est pas en reste, assurant avec brio les parties chantées et dansées.


La distribution vocale est de belle tenue, dominée par les voix féminines, de (Constance) au timbre rond, à la vocalité facile, aux vocalises clairement émises (« Martern  aller Arten »), et de (Blonde) au timbre plus acide, virevoltante et espiègle, en parfaite adéquation avec son rôle. Les voix masculines, en revanche, semblent plus en devenir, compensant une petite fragilité vocale par un engagement scénique irréprochable, à l'instar de leurs partenaires féminines. (Belmonte) manque un peu de puissance et de legato. (Pedrillo) séduit par son timbre chaleureux, tandis que , à la silhouette athlétique, n'a ni le ramage, ni le plumage nécessaires, malgré un médium plein de charme, pour faire face au redoutable rôle d'Osmin, du fait de son évident manque de graves.

Finalement, une belle réussite scénique et des chanteurs en devenir, à suivre…

Crédit photographique : © Ludovic Combe

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