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Haendel ciselé par le Concert des Nations à la Saline Royale

Depuis 2016, ponctue de concerts sa résidence en Bourgogne-Franche-Comté. Celui-ci est consacré à deux œuvres parmi les plus populaires de Haendel.

Que de souvenirs d'enfance mélomane attachés à ces œuvres fondatrices de tout parcours avec la musique classique ! Quelle émotion de réentendre ces tubes à l'intérêt inépuisable sous la gestique si inventive de et dans ce lieu symbolique de la Saline Royale d'Arc-et-Senans !

Bien avant que Jean Fontaine ne dénichât, dans la première, l'indicatif nocturne de sa célèbre émission La musique est à vous, les deux œuvres servirent de bande-son à certain voyage sur la Tamise effectué par George II en 1717, la seconde, en 1748, à la célébration pyrotechnique du Traité de paix d'Aix-la-Chapelle consécutif à la guerre de Succession d'Autriche.

L'ordre des « 20 à 22 » morceaux des trois suites de Water Music restant à l'appréciation de l'interprète, ouvre le concert en faisant s'interpénétrer les Suites en Sol et en Ré avant de poursuivre avec celle en Fa. La séduction, auprès du public de 2018, est si intacte trois cents ans plus tard, que nous voilà prêts à accréditer l'incertaine légende (une nouvelle fois perpétuée par le programme de salle) d'un Haendel qui aurait conçu Water Music comme une entreprise de séduction (réussie) du souverain auquel le Caro Sassone aurait désobéi en ne rentrant pas d'Angleterre aussi vite qu'il lui avait été enjoint de le faire. Savall réserve, pour la seconde partie du concert, la pompe consensuelle, même si plus spectaculaire encore, des brefs Fireworks, après un entracte d'une demi-heure qui permet au spectateur de naviguer dans la remarquable exposition de Luc Schuiten dont l'Homme-volant en surplomb de l'assistance témoigne de l'esprit soufflant sur le lieu.

, presque trente ans après sa naissance, apporte une nouvelle fois la preuve du bien-fondé de son appellation. Au-delà d'une transcendante beauté du son, frappe une parfaite lisibilité de tous les plans. Personne ne prend la place de personne, même dans les moments qui n'évacuent pas le spectaculaire et où un histrionisme forcément déplacé serait tenté de prendre le dessus. C'est à une conversation en musique, à un dialogue en écoute constant que chaque instrumentiste se voit convié par la gestique à la fois discrète et extrêmement présente de Jordi Savall (relecture véloce et ciselée de l'adorable Andante de la Suite n° 1, incitations malicieuses à la caisse claire galvanisante des Fireworks). Auditeur parmi les auditeurs, le chef est, lui aussi, à l'écoute de l'excellence des exécutants d'un ensemble au sein duquel, si l'on note les noms de à la flûte traversière ou de au concertino, officie pléthore de virtuoses. Aucune angoisse du côté des redoutables trompettes naturelles et autres cors baroques, vedettes tranquilles de la soirée. L'unique regret est que l'acoustique de la Saline avale par trop les notes du théorbe et de la guitare baroque, si bien captées par les enregistrements Alia Vox de Jordi Savall, et rende un peu vaine la ferveur de Josep Maria Martí.

Deux bis concluent la belle soirée : une reprise de l'Allegro de la Suite en Fa de Water Music, précédée d'une contredanse des Boréades exécutée, comme pour le Nouvel An à Vienne, avec la participation manuelle d'un public sous le charme paisible du maître catalan.

Crédits photographiques : © Marion Collard

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