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Ferenc Fricsay et ses radiodiffusions mozartiennes

Deutsche Grammophon édite pour la première fois les premiers enregistrements radio de consacrés à Mozart, qui complètent idéalement et sans aucun doublon les trop peu nombreuses gravures mozartiennes orchestrales publiées commercialement de son vivant.

Le legs musical du chef d'orchestre hongrois (1914 -1963) ne se limite certainement pas aux deux imposants coffrets du centenaire de l'immense musicien : d'innombrables bandes magnétiques dorment encore dans les archives radiophoniques de divers pays dont l'Allemagne, et le label Audite a notamment honoré le chef d'une série d'enregistrements d'archives des RIAS et WDR du début des années 1950 (coffret Bartók, Clef ResMusica), dont une belle « Édition » très recommandable.

C'est dans un Berlin en ruines qu'est fondé le Berlin (l'Orchestre Symphonique de la Radiodiffusion en Secteur Américain de Berlin), qui est dirigé pour la première fois par un jeune Ferenc Fricsay au Titania-Palast, le 12 décembre 1948, nommé illico non seulement chef principal de l'orchestre, mais directeur général de la musique au Städtische Oper, et qui signe dans la foulée un contrat en exclusivité avec la Deutsche Grammophon. Début d'une carrière légendaire tant pour l'orchestre que pour son chef, Fricsay bénéficie du soutien humain et professionnel d'Elsa Schiller, juive déportée au camp de concentration de Theresienstadt dont elle n'était ressortie vivante que de justesse, chef du département musique de la RIAS et, à partir de 1952, directrice de production pour Deutsche Grammophon, un peu l'équivalente allemande et intransigeante du sévère Britannique Walter Legge chez EMI. Nous la voyons sur la photo ci-dessous entourée du chef d'orchestre et sa femme Silvia. Réalisés en studio, ces enregistrements sont d'une qualité absolument digne de la Deutsche Grammophon de l'époque !

Si Ferenc Fricsay excellait dans tous les genres et tous les styles, il ne cachait pas ses préférences : les Hongrois Zoltán Kodály et surtout Béla Bartók qui furent ses professeurs, et bien sûr Mozart, envers lesquels il manifestait d'évidentes affinités. Il nous lègue ainsi cinq opéras (dont un Idoménée « live » au Festspielhaus de Salzbourg, juillet 1961), Exsultate, jubilate K. 165, Laudate Dominum K. 339 n° 5, la Grande Messe en ut mineur K. 427, le Requiem en ré mineur K. 626. Quant aux enregistrements commerciaux d'œuvres orchestrales, ils sont curieusement relativement peu nombreux : Symphonies n° 29, 35, 39, 40, 41 ; Sérénade « Une Petite Musique de Nuit » K. 525 ; Adagio et Fugue K. 546 ; quelques œuvres concertantes pour clarinette et pour piano, mais non des moindres, avec comme clarinettiste l'excellent Heinrich Geuser (que nous retrouvons ici dans la Sinfonia concertante pour hautbois, clarinette, cor, basson et orchestre en mi bémol majeur K. 297b), et surtout comme pianistes les inoubliables Clara Haskil et Annie Fischer.

Aussi cet album est un apport inestimable à son legs orchestral, à commencer par ces toutes premières symphonies dont on peut se demander si elles n'étaient pas le début d'une intégrale possible en parallèle à celles contemporaines d'Erich Leinsdorf chez Westminster ou composite d'Otto Ackermann – Carl Bamberger – Henry Swoboda – Walter Goehr chez Concert Hall. Les interprétations mozartiennes de Ferenc Fricsay restent des références confondantes de naturel, de précision, de vie, d'énergie sans la moindre lourdeur. Mais une publication consacrée à l'incomparable chef hongrois ne pouvait se conclure sans envisager l'opéra mozartien, qu'il chérissait, et c'est bien le cas ici qui réunit deux artistes du chant légendaires, l'une soprano colorature allemande,  (1920-1987), et l'autre soprano belge, (1911-2000).

Crédit photographique – de gauche à droite : l'épouse de Fricsay, Silvia, Elsa Schiller, Fricsay, inconnue, Berlin-Tempelhof, mai 1952 : © Deutschlandradio Archive

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