- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Œuvres chorales de Lili Boulanger, la grande oubliée

Injustice partiellement réparée : ce disque de l'ensemble allemand défend avec justesse la séduction musicale impressionniste de la première grande compositrice du XXe siècle, , dont on commémore cette année les cent ans de la disparition.

Année Couperin, année Debussy : cette année 2018 a été l'occasion pour les labels français et internationaux de multiplier les sorties discographiques en l'honneur de ces grandes figures de la musique française. Et  ? Sa mort prématurée il y a cent ans est, selon nous, la seule raison de son manque de notoriété aujourd'hui. Alors pourquoi ne pas remettre à sa juste place la première grande compositrice française ?

C'est donc le label allemand Carus qui est l'un des rares à avoir le cran de proposer au disque un recueil d'œuvres chorales et de pièces pour piano composées entre 1911 et 1917 par celle qui fut la première femme à remporter le prix de Rome en tant que compositrice. Alors, oublions le visuel vieillot de la pochette et un livret se limitant à l'essentiel, pour saluer l'audace de cette production et la qualité musicale des interprètes engagés dans ce projet. Dirigé par , l', dont les précédentes parutions chez ce même label attestent la variété du répertoire, déploie avec talent toute la mélancolie de cette musique impressionniste. Une trentaine de choristes et une dizaine de chanteurs défendent dans un français impeccable la verve créative de la compositrice.

Emblématiques de la production de , la grande majorité des pièces de ce CD a été présentée dans le portrait que ResMusica lui a consacré dans le cadre du centenaire de sa mort. En effet, les compositions vocales tiennent une place de choix dans le catalogue de la compositrice, comme le thème de la nature au centre de sa musique chorale. Le prémonitoire Pour les funérailles d'un soldat et le tragique Prélude en ré bémol sont les deux seules œuvres sombres dans une programmation majoritairement solaire (le disque s'intitulant « Hymne au soleil »). Le mariage entre les voix et les poèmes est d'une grande sensibilité dans ces hymnes qui favorisent tantôt les voix masculines comme dans la magie illustrative des forces déchaînées Pendant la tempête ou la marche funèbre Pour les funérailles d'un soldat sur l'hymne médiévale du Dies Irae ; tantôt les voix féminines comme dans Les Sirènes ; et principalement des pièces pour chœur mixte où des traits madrigalesques côtoient des moments lyriques et où de vastes passages solistes déploient une intensité dramatique insoupçonnée et une teneur métaphorique bien caractéristique du travail remarquable de Lili Boulanger. Au pianoforte, transmet avec intelligence et sensibilité des parties initialement destinées à un orchestre, la programmation lui laissant le devant de la scène dans quatre pièces pour piano judicieusement réparties pour un renouvellement d'écoute régulier, permettant d'apprécier ce disque dans sa continuité.

L'étude méditative sur le cycle de la vie de Sous-bois au pianoforte, le scintillement de La Source avec trémolos et trilles étincelants toujours au piano, le soleil levant dans les parties vocales de L'Hymne au Soleil ou les fanfares rayonnantes du Psaume XXIV du chœur, sont menés par une limpidité et une clarté d'exécution exemplaire, offrant en fin d'enregistrement une version magistrale de la lancinante et hypnotique Vieille prière bouddhique, grâce notamment au surprenant ténor Jo Holzwarth. Elle justifie à elle seule l'attention que l'on doit porter à ce travail malheureusement trop singulier dans le paysage discographique actuel.

(Visited 1 561 times, 1 visits today)