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Lecture trop distanciée de Simon Rattle de la n°8 de Bruckner

Familier de Mahler et de Sibelius dont il est l'un des meilleurs interprètes vivants, Sir est toujours demeuré prudent vis à vis de Bruckner. Il s'attaque au chef-d'œuvre absolu qu'est la Symphonie n°8.

Au disque, une Symphonie n°7 jadis à Birmigham, puis à Berlin la n°4 et une n°9 surtout remarquable pour son interprétation du finale dans la version de Samale-Mazucca-Philips et Cohrs, restent ses seuls témoignages. De l'immense Huitième, sommet de l'œuvre du compositeur, il avait donné une interprétation en concert qu'on peut trouver sur le site du philharmonique de Berlin. Désormais de retour à Londres, il a mené le London Symphony à son tour dans ce voyage initiatique colossal qu'est cette symphonie lors de tournées européennes de concerts (qui ont fait escale à la philharmonie de Paris d'ailleurs).

Le DVD qui nous parvient (avec également une version Blu-Ray dans le même étui) associe, comme c'était le cas en concert, la symphonie avec Couleurs de la cité céleste, une partition parmi les moins fréquentées de Messiaen, écrite pour piano, vents et percussions. Hormis la foi catholique fervente et la pratique de l'orgue, deux points communs aux deux compositeurs, il y a bien peu de vraie proximité entre les deux œuvres. Celle de Messiaen bénéficie du jeu précis et rigoureux de et de la technique de direction superlative de Rattle mais elle est loin de dégager la même fascination que les grandes pages orchestrales de Messiaen.

Le plat de résistance de l'album est évidemment la symphonie de Bruckner, œuvre phare du romantisme germanique, véritable « couronnement symphonique du XIXe siècle » selon la belle formule de Hugo Wolf. Rattle opte pour l'édition de Robert Haas qui interpole dans la rédaction finale de Bruckner (l'œuvre a comme souvent chez Bruckner connu une genèse particulièrement compliquée), deux brefs passages de la version initiale dans l'adagio et le finale. Son interprétation demeure impeccablement contrôlée, servie par un orchestre d'une discipline parfaite mais auquel manque, comme presque toujours avec le LSO, une pâte sonore reconnaissable. Ni la puissance des Berlinois ou du Concertgebouw, ni la souplesse des Viennois ne sont ici au rendez-vous. Dans des tempos parfaitement équilibrés et une lisibilité parfaite, l'œuvre est restituée avec objectivité mais sans parvenir à nous émouvoir et encore moins nous bouleverser comme dans les plus beaux enregistrements disponibles.

En DVD, on placera Rattle derrière Wand, d'une humilité touchante, ou Celibidache, d'une démesure sans équivalent. La discographie, considérable, est toujours dominée par Jochum à Hambourg, Haitink à Dresde, Wand à Lubeck (différent du DVD, et musicalement encore supérieur) ou Celibidache à nouveau (lui aussi musicalement encore supérieur en CD à la captation du DVD).

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