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Debussy en son Martyre par Pablo Heras-Casado

Postmoderne La Mer selon  ? Et le Martyre, d'un érotisme morbide ?

Les voluptés mesurées du lui donnent en tous cas un espace sonore lustré, quelque chose de parfait et d'un rien glacé qui déboussolera les admirateurs de Munch, ou ceux de Toscanini : beaucoup de couleurs mais froides, des pleins et des déliés très Matisse, une Mer plus dessinée que peinte qui laisse voir les secrets de l'orchestre debussyste et amoindrit ses mystères. Ni la fureur des ultimes pages du Dialogue du vent et de la Mer, ni les impondérables colorations harmoniques de Jeux de vagues n'ont les fantaisies nécessaires. C'est lu, mais jamais dit.

Intime, mené en tempos relativement vif (9:47, donc sans atteindre tout de même les 7 minutes de l'enregistrement princeps signé par Camile Chevillard), avec une flûte plus bergère que faune, le Prélude vous glissera dessus, beau sans sensualité, tout en étude de timbres – il ne faut pas lui comparer les pamoisons torpides imaginées par Leopold Stokowski, se souvenant du râle sexuel qu'y exhalait Nijinski. Ici point de ballet, mais en somme une nature morte.

Les choses changent avec les quatre Fragments du Martyre de saint Sébastien, le son se concentre, les lignes s'épurent, l'harmonie s'exhausse entre flamme et encens, comme si le langage de l'ultime Debussy trouvait enfin un écho chez . Sa direction fluide est sensible aux expérimentations de timbres, à la syntaxe elliptique que Debussy y déploya à quatre mains avec  : les nombreuses zones grises de la partition, ces musiques de presque rien, portent son empreinte. Le chef espagnol entend avec finesse cette œuvre quasi expérimentale, où l'érotisme doit être morbide, au point que l'intégrale de cette musique de scène lui irait comme un gant. Demain peut-être ? Espérons.

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