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Boris Berezovsky en ouverture à Aix-en-Provence

ouvre la saison du Grand Théâtre de Provence pour un concert principalement consacré à Tchaïkovski après un changement de programme. À ses côtés, et l'Orchestre National Symphonique de Lettonie complètent cette affiche séduisante.

Musica Appassionnate, composée par le Letton , constitue le hors d'œuvre de la soirée. L'orchestre rend ainsi hommage à la musique de son pays et à l'un de ses illustres compositeurs dans la lignée d'Arvo Pärt et Bronius Kutavicius. Expressif, dense, le tissu sonore est enveloppant. Le tempo du premier thème est un brin retenu, accentuant ainsi le contraste avec ce qui suit, entre spiritualité et instant de recueillement. Les cordes brillent par leur homogénéité, une constante tout au long du concert.

À la place du rarissime Concerto n° 4 de Rachmaninov, c'est le bien plus populaire Concerto n° 1 de Tchaïkovski qui est proposé, et parions que le public considérera qu'il n'a pas perdu au change. Une fois n'est pas coutume, le piano trône au milieu de l'orchestre face au public tandis que le podium de Poga est installé au bord de la scène. Cette configuration inhabituelle, quand ce n'est pas le soliste qui dirige, permet une étroite symbiose avec le chef. Dans certains passages, Berezovsky donne même l'impulsion de départ aux musiciens. Le Russe est dans un grand soir. Sa lecture est limpide, épaulée par une direction attentive et soignée. Les dialogues sont équilibrés et l'orchestre suit souvent les intentions du piano notamment dans un Andantino poétique puis farceur. Sans faire étalage de sa virtuosité de haut vol, surtout dans la première moitié de l'Allegro non troppo, le soliste étonne par ses nuances, sa façon de jouer certaines fins de phrases, prolongées en de subtils pianissimi. Son jeu plein ne connaît aucun compromis mais sa puissance reste savamment dosée. Du bout des doigts, son toucher apporte un soupçon de spontanéité et sait colorer le discours avec lyrisme. La cadence du premier mouvement illustre cette recherche de finesse tout en libérant une fougue jubilatoire. Le Finale est, quant à lui, flamboyant, porté par une expression incisive jamais monochrome. Ovationnés, les musiciens bissent les dernières pages quelques mesures avant le bouillonnant trait joué par le pianiste. Puis deux poèmes de Scriabine sont offerts au public. Entre polyphonie et touches impressionnistes, ces pages poétiques sont touchantes de simplicité.

La deuxième partie de soirée est consacrée à la Symphonie n° 6 de Tchaïkovski. Les musiciens lettons abordent l'œuvre avec des dynamiques franches et un soin à la beauté des timbres. Poga mène ses troupes avec précision mais aussi sérénité. Ses intentions ne sont pas laissées au hasard et l'architecture d'ensemble repose sur des bases solides, éclairée par une ligne directrice parlante, toujours aérée. Dans l'Adagio puis l'Allegro non troppo, on est frappé par l'unité des pupitres dans les tempi rapides et soutenus. Les cuivres donnent aussi de la voix et, sans tomber dans l'emphase, impriment une couleur dramatique de premier plan. Le fameux Allegro con grazia est interprété avec une liesse et une élégance rappelant une atmosphère de ballet. Le dernier volet est le plus réussi du point de vue de l'émotion. La désolation conduit inexorablement vers une fin certaine et résonne ici de façon magnifiée.‎ Déchirante, la musique occupe pleinement l'espace et nous absorbe totalement pour nous entraîner vers les couleurs sombres du deuil.

Crédit photographique : © Juri Bogomaz

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