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Maximilian Hornung en flash back sur l’URSS année 1966

Le couplage pertinent de deux concertos pour violoncelle écrits en 1966 en URSS, celui bien connu de Chostakovitch et celui très rare du Géorgien , permet aux jeunes  et de réaliser un album d'une superbe cohérence. 

Il y a des disques qui sont des objets tellement soignés, du programme au livret à la prise de son en passant par l'interprétation elle-même, qu'on a la sensation d'avoir entre les mains un projet éditorial fait pour l'histoire de la musique et non pour jalonner une carrière. Et cette impression est d'autant plus gratifiante quand elle est le fruit de deux (encore) jeunes artistes, le violoncelliste allemand  né en 1986 et le chef né en Lettonie en 1980 (alors en URSS).

Plutôt qu'un doublé éculé réunissant les deux concertos pour violoncelle de Chostakovitch (voir le rappel de la discographie de référence dans l'article consacré au doublé par Alisa Weilerstein (Decca), Hornung a déniché le Concerto n°2 pour violoncelle de  pour compléter l'également Concerto n°2 de Chostakovitch. Composés tous les deux la même année 1966, ils partagent également une grande similarité par leur atmosphère épurée d'où sourdent quelques éclaircies lyriques et populaires.

La composition de Tsintsadze, d'une vingtaine de minutes contre le double pour celle de Chostakovitch, fait bien mieux que de la figuration. Elle dégage une poésie et une authenticité artistique qui la distingue des musiques officielles bruyantes fixées par les canons soviétiques. S'il n'a pas connu les affres de son aîné, le compositeur géorgien partage bien des traits communs avec Chostakovitch, auteur prolifique de deux opéras, trois opérettes, de la musique pour orchestre (cinq symphonies, cinq ballets, six concertos…), de films, musique de chambre (douze quatuors), et cumulant les reconnaissances officielles (Prix Staline en 1950, Prix de l'Artiste du Peuple de l'URSS en 1987, directeur du conservatoire de Tbilissi de 1965 à 1984, premier secrétaire de l'Union des compositeurs géorgiens jusqu'à sa mort en 1991), sans renoncer à écrire des œuvres personnelles. En cinq mouvements dont seul le quatrième se caractérise par une animation d'inspiration folklorique, le concerto de Tsintsadze séduit par son introversion méditative, presque onirique.

est auréolé d'une réputation flatteuse d'étoile montante du violoncelle, mais n'avait pas convaincu nos rédacteurs dans ses prestations en concert. Dans cet enregistrement, bien soutenu par et un engagé et au diapason des intentions des deux musiciens, le jeu du violoncelliste est en tout cas d'une netteté de trait, d'une expression impeccable qui sait fait ressortir l'émotion intime à travers les teintes sombres et mélancoliques.

Dans cet album qui est un hommage à la belle musique de l'époque soviétique, il convient aussi de souligner le choix pour la notice – détaillée et traduite en français – d'Elizabeth Wilson, auteure d'un monumental Shostakovich, A Life Remembered (non traduit en français), qui a étudié le violoncelle au conservatoire de Moscou de 1964 à 1971 avec Rostropovitch et qui a assisté à la création du Concerto n°2 de Chostakovitch. Le lieu de l'enregistrement compte aussi, la fameuse Jesus-Christus-Kirche de Berlin. Cette église inaugurée en 1932, juste avant l'arrivée d'Hitler au pouvoir, fut épargnée par les bombardements alliés et devint après guerre grâce à son acoustique (et la pénurie de salles de concerts) un lieu d'enregistrement mythique, pour Wilhelm Furtwängler, Ferenc Fricsay, Sviatoslav Richter, Mstislav Rostropovich, etc. Cette église est en elle-même un témoignage et un trait d'union de la relation pour le moins tourmentée (et encore aujourd'hui) entre l'Europe et la Russie.

Par l'intelligence de son programme et sa qualité interprétative, cet enregistrement est à rapprocher de celui du Concerto n°1 de Chostakovitch et du Concerto pour violoncelle de Weinberg avec le même orchestre, enregistré dans le même lieu, par Nicolas Alstaedt, Clef d'Or ResMusica 2016.

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