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Les apothéoses de François Couperin par le duo Baumont-Martin

Dans l'amphithéâtre feutré de la Cité de la musique à Paris, deux clavecins historiques du Musée sonnent en gloire pour Couperin sous les doigts de et d', soutenus par le luth de et quelques interludes déclamés par .

Premier de deux concerts « Salon Couperin » consacrés à cette illustre famille de compositeurs (le second le lendemain avec Christophe Rousset), la soirée réunissait deux spécialistes interprètes du clavecin autour des Apothéoses composées par « le grand » en mémoire de Corelli et de Lully. Ces poèmes symphoniques avant l'heure furent composés pour des ensembles instrumentaux variés, pouvant être remplacés de l'avis même du compositeur par deux clavecins. Il est rare de pouvoir entendre en concert un clavecin français original construit au XVIIIe siècle, mais deux ici réunis offraient un privilège rare et grandement apprécié.

La mise en scène de ces Apothéoses permet de placer le texte écrit par Couperin pour chacun des tableaux : Corelli aux cieux avec les dieux de l'Olympe, concertant aux Champs-Élysées avec les ombres lyriques, et une dizaine d'autres suivants. est remarquable dans la déclamation à l'ancienne de ces courts textes divertissants, non dénués d'humour, écrits par Couperin. La diction en vieux français riche de ses accents caractéristiques replacent au mieux cette musique dans un contexte très louis-quatorzième. L'excellente acoustique de la salle permet une écoute subtile des instruments, dont on peut s'amuser à distinguer à la fois les différences et les complémentarités. Le clavecin Hemsch, plus sombre et profond dans ses basses appuyées, dialogue avec le clavecin Goujon qui lui, plus clair et délié, se marie harmonieusement à son compère par des aigus incisifs et brillants. Cela forme un couple où le masculin et le féminin apportent un agréable équilibre, à l'image des orgues d'Espagne ou d'Italie, souvent en couple eux aussi dans les chœurs des cathédrales anciennes.

Ces deux suites de pièces, apothéoses à la gloire de deux compositeurs illustres déjà disparus, Corelli et Lully, marquent ce mariage heureux des styles italiens et français. Pour autant, à l'écoute de l'ensemble, on entend combien Couperin reste français sans jamais que le style italien ne prenne vraiment le dessus, malgré certaines influences marquées comme la « Sonade en trio » à la belle inspiration. Il suffit de comparer les deux apothéoses pour s'en persuader : l'hommage à l'Italie et à la France forme un tout.

Les jeux réunis de et d', tous deux d'une grande maîtrise, apportent un ton juste et sensible à ces pièces. La présence du luth de , très bien situé dans son espace sonore et musical, apporte une touche agréable qui permet de réunir encore d'avantage et en un seul petit ensemble orchestral les deux claviers principaux. Quatre pièces de Dandrieu et (descendant de François, lui aussi organiste à Saint-Gervais juste avant la Révolution) à un seul clavecin permettent d'écouter chaque instrument séparément. Bien sûr les clavecinistes échangent leurs claviers plusieurs fois au cours du concert, pour leur plaisir, le nôtre aussi afin d'apprécier leur propre toucher sur chacun d'entre eux. Il faut noter ici le remarquable travail de maintenance de ces instruments anciens présentés au concert en parfait état, tenant très bien l'accord tout au long de la soirée, malgré une température de la salle encore élevée.

Après l'ovation très méritée d'un public nombreux et enthousiaste, les musiciens terminent la soirée par un bis avec la célèbre Allemande en la majeur à deux clavecins de tirée du IXe ordre.

Crédit photographique : ©  EPV/Thomas Garnier

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