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Jakub Józef Orliński au service du sacré à la salle Gaveau

La star montante, , offre à la salle Gaveau le premier concert d'une tournée organisée autour de son premier disque solo Anima Sacra. Un événement pour la planète lyrique qui scrute l'évolution de ce jeune contre-ténor, quasiment né sur le net, avec un mélange de fascination et de défiance plus ou moins justifiée.

La jalousie peut parfois parler en premier. Il est un peu agaçant ce fringuant post-adolescent à la voix d'or, séduisant et souriant, qui entre en scène, partitions sous le bras, avec l'air d'un enfant de chœur pas encore très à l'aise avec le succès. « Et en plus, il paraît qu'il sait danser ! » entend-t-on dans les couloirs de la salle Gaveau. Pourquoi mettre autant d'atouts sur un seul homme ? La compassion et la crainte parlent en second. Car avec toutes ces publicités, vidéos, premiers disques (etc…), pourquoi mettre autant de pression sur ces épaules encore frêles ? Car ne nous mentons pas, depuis la fameuse vidéo Youtube vue par plus de deux millions de spectateurs, l'industrie du disque regarde ce jeune artiste comme la poule aux œufs d'or avec tous les risques que cela comporte en terme de surmédiatisation et d'attentes.

Espérons que cette voracité ne broiera pas ce jeune talent sur l'autel de la rentabilité car reconnaissons-le d'emblée, bénéficie d'une voix absolument sublime, peut-être actuellement l'une des plus belles dans le circuit des contre-ténors. Chaleureuse, large, bien projetée sur l'ensemble de la tessiture avec un medium et des graves aussi sonores et denses que les aigus semblent doux et sans la moindre acidité. On nous pardonnera cette trivialité mais il y a quelque chose de pur et de « planant » dans cette voix parfaitement adaptée par ailleurs au répertoire religieux défendu ce soir.

Autour du très célèbre Nisi Dominus de Vivaldi, propose des œuvres de compositeurs moins connus comme par exemple l'Alma Redemptoris mater de qui permet au contre-ténor d'exposer une ligne de chant d'une grande élégance au service d'une interprétation lumineuse. Par contraste, le mystère dégagé par le Nisi Dominus et notamment son fameux Cum dederit est renforcé par un orchestre aux sonorité feutrées qui laissent le premier rôle à la voix et au premier violon. Jakub Józef Orliński sait varier les intentions et les couleurs ce qui est particulièrement appréciable pour un répertoire plus théâtral qu'il n'y parait. Toutes les palettes du psaume sont assumées en un laps de temps finalement assez court, de l'inquiétude à la légèreté, de la méditation au festif.

En deuxième partie, le Tam Non Splendet sol creates de et surtout le Mea Tormente Magadalena de Hasse permettent au contre-ténor d'aller vers la virtuosité dont le public reste si friand. Si les ornementations restent prudentes et les vocalises parfois un peu molles, le vocabulaire baroque est parfaitement maitrisé. Surtout, l'artiste est toujours dans une recherche expressive et ose parfois des sons droits d'un effet d'autant plus réussi que la voix est superbement projetée.

Comme pour mieux valoriser (ménager ?) le chanteur, l'ensemble Il Pomo d'Oro se fait plus discret, moins mordant qu'à l'accoutumé. Le contraste installé entre la langueur de la voix dans les moments les plus élégiaques et une forme de sécheresse des sonorités de l'orchestre permet un éclairage mutuel plutôt bien négocié et l'allegro, extrait d'une symphonie de suffit à rappeler la virtuosité de l'ensemble.

En bis, Jakub Józef Orliński offre notamment « Alla gente a Dio diletta », sublime découverte extraite du Il Faraone sommerso de , à tirer les larmes. Ce type d'air, langoureux et pur, est sans doute ce qui convient le mieux actuellement au jeune artiste qui y fait merveille. Avant de partir, et dans la même veine, il reprend le magnifique Vedro con mio diletto qui l'a rendu, à juste titre, déjà si célèbre.

Crédit photographique : © Anita Wąsik

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