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Elisabeth Leonskaja, une grande schubertienne à Lyon

De passage à Lyon, salle Molière, avant des retrouvailles avec le public parisien (au Théâtre des Champs-Élysées le 27 novembre), confirme son statut d'interprète majeure de Schubert.

Ouvrant le récital avec la Sonate en la mineur (op. 104, D 537), elle trouve d'emblée le ton juste pour nous introduire dans un monde sonore et émotionnel proprement schubertien. Si le Viennois est bien le compositeur des contrastes, alors est certainement l'une des mieux à même de faire entendre son œuvre. D'une très grande subtilité, son jeu fait ressortir la plus discrète nuance, évoluant avec naturel d'un registre tragique à des horizons plus lumineux. La pianiste austro-russe apporte ainsi la parfaite illustration musicale de l'aveu de Schubert lui-même, consigné dans « Mon rêve », texte en forme de confession : « Quand je voulais chanter l'amour, il se transformait en douleur et quand je voulais chanter la douleur, elle se transformait en amour ».

Se jouant des difficultés techniques de la Wanderer-Fantaisie, pourtant redoutée par beaucoup, propose une version magistrale de cette œuvre volcanique. Éruptive dans les premier, troisième et dernier mouvements, elle parvient dans l'Adagio à un sommet de recueillement sans jamais laisser retomber la narration, apportant un souffle nouveau à chaque variation. La fugue finale est encore un intense moment d'une rage victorieuse parfaitement maîtrisée.

On retrouve dans la sonate en la mineur n°18 (op. 42, D 845) une belle démonstration de cette ambiguïté fondamentale de l'œuvre schubertienne. Tantôt martiale, tantôt rêveuse, pleine de charme, non sans coquetterie par endroits, interrogative le plus souvent, cette longue sonate (plus de quarante minutes) s'élève avec pureté dans la salle Molière sous les doigts d'Elisabeth Leonskaja, portée par une chaude acoustique boisée qui ne gâche rien.

L'interprète avait également à cœur de réconcilier la Première et la Seconde École de Vienne en cette soirée, entrecoupant chaque œuvre de Schubert respectivement des Six Petites pièces pour piano de Schoenberg, puis des Variations de Webern, pages dodécaphoniques ramassées, à la saveur et aux couleurs magnifiquement rendues.

Très applaudie, la grande dame du clavier prolonge le plaisir avec trois autres pièces de Schubert : le premier des Klavierstücke D 946 (Allegro assai), puis le troisième des Klavierstücke D 459 (Adagio), avant de conclure par le troisième Impromptu de l'opus 90, long soupir mélodieux susurré comme un baiser d'adieu.

Crédits photographiques : © Julia Wesely

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