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An Index of Metals de Romitelli en création parisienne à La Scala

On ressent toujours une émotion particulière à l'écoute de la musique de , compositeur italien visionnaire disparu à l'âge de 41 ans. Dernière œuvre achevée, An Index of Metals, son opéra, est donné en création parisienne à La Scala, l'espace idoine pour faire sonner au mieux cette musique aux marges de la saturation.

Fausto Romielli a évolué dans le giron des compositeurs spectraux et de l', où il s'est familiarisé avec les nouveaux outils technologiques. Ce qui ne l'a pas empêché de franchir le pas vers les musiques amplifiées et improvisées du rock psychédélique, pour forger un son à son désir, et nous convier à une expérience d'écoute immersive et totale : une musique « sans bords » assurément, mais qui n'en reste pas moins sous contrôle.
L'œuvre est jouée ce soir sans la vidéo de mais avec les lumières de François Menou, auxquelles , à la tête de son ensemble luxembourgeois United Instruments of Lucilin, a collaboré, pour servir au plus près la dramaturgie sonore.

Sur le plateau, parmi les onze musiciens de l'ensemble (cordes et vents sans la percussion), sont inclus un clavier électronique à cour et deux guitares électriques, l'instrument fétiche de Romitelli, à jardin. Surprenante est cette manière d'introduction avec la seule partie électronique, entendue par bribes : onde hésitante et fragmentaire qui alerte l'écoute, relancée et progressivement amplifiée (le processus est déjà à l'œuvre) jusqu'à l'arrivée de la chanteuse. Si l'opéra de Romitelli bouscule les codes du genre, il convoque pour autant les poèmes de Kenka Lèkovitch (Hallucinations 1, 2 et 3) dûment chantés en anglais par . En star électro-pop (robe blanche et bas rouges), elle vient s'installer sur son podium, au fond de la scène, inscrivant sa voix vibrante et langoureusement expressive dans un espace sonore flottant. Les mots de la poétesse filent l'image de la noyade (plonger, sombrer) et de la vague qui semble rythmer le flux instrumental dans la première section. Toujours agie par un lent processus, la musique tire inexorablement les morphologies sonores vers le bas, jusqu'à la plénitude résonnante d'une fondamentale (note de base) entendue dans une lumière aveuglante et dont les guitares électriques enrichissent le spectre. Elles interviendront en solo pour souligner chaque articulation de cette trajectoire sonore continue d'une cinquantaine de minutes. L'écriture instrumentale relayée par l'électronique live est de plus en plus mouvante et flamboyante, voire même « sur-expressive », qui recouvre parfois la voix par immersion consentie. Romitelli nous accompagne dans sa vision délirante et colorée, en nous en faisant partager les prodigieux instants. Proche d'un Grisey dans sa manière d'élaborer les images spectrales et d'opérer leurs transformations, il écrit des pages somptueuses autant que ciselées, restitués par des musiciens exemplaires sous la conduite fluide de . Saluons également le travail des techniciens aux manettes (), essentiel pour donner au son romitellien sa puissance et son envergure spatiale. La dernière section, spectaculaire et fleurant la parodie, met en vedette , fascinante lorsqu'elle concurrence les instruments dans ses trajectoires vertigineuses et fantasques qui échouent inexorablement sur le socle d'une fondamentale. C'est dans cette atmosphère chauffée à blanc que s'ouvrent les vannes du son, celui des deux guitares électriques ( et à la basse) éruptives et portées à l'excès, dans un total saturé qui comble nos attentes. La fin cut est aussi inévitable que frustrante!

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