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Grigory Sokolov en concert à Varsovie

À Varsovie, donnait dans une salle où aucune chaise n'était vide, un récital composé d'œuvres de et de .

Le concert commence par une lecture sophistiquée de la Sonate pour piano n° 3 de Beethoven. Ciselée du point de vue de la mise en lumière de la clarté formelle, cette interprétation attire par un large éventail de nuances et la précision du toucher. Si, dans une perspective globale, elle est relativement équilibrée expressivement, elle offre de nombreux contrastes dynamiques à l'échelle micro. Et c'est sur des petits détails, comme par exemple la souplesse et la profondeur d'un trille, ainsi que la mise en valeur de notes choisies, que le pianiste se concentre. En conséquence, sa conception purement intellectuelle se conjugue à un jeu qui caresse l'oreille – adouci çà et là par une utilisation abondante de la pédale gauche – mais qui est, par moments, prévisible. D'autre part, si le propos semble bien ordonné à l'échelle macro, le phrasé est de temps à autre dépourvu de naturel (accentuation de notes choisies à la fin de certaines phrases musicales). On notera que le tempo plutôt lent que Sokolov prend dans le troisième mouvement de la sonate, Scherzo : Allegro, d'abord incompréhensible et étonnant, a pour résultat une plus grande appréciation de la technique brillante et de la belle sonorité dans le mouvement final.

Les onze Bagatelles op. 119 nous rapprochent d'un Beethoven placé au coin du feu ou dans un salon aristocratique. Sous les doigts de , cette musique paraît plus poétique que jamais. Travaillées à l'extrême, ses exécutions nous démontrent que même une partition à première vue facile, comporte une bonne dose de détails à mettre en lumière.

Pour les Schubert joués dans la deuxième partie de la soirée, rien ne change : Sokolov fascine par sa palette des nuances et séduit par sa sonorité, notamment par les graves qui parviennent à nos oreilles comme sculptés dans le marbre et les aigus peaufinés et pleins de tendresse. En revanche, nous ne sommes pas pleinement convaincus quant à la mise en œuvre des moyens expressifs visant à nous faire entendre les petits et grands climax que ces pages renferment. On finit par avoir affaire à un Schubert intime, un rien intériorisé et surtout pas extraverti.

Encouragé par une ovation debout du public varsovien, offre six bis : l'Impromptu op. 90 n° 4 et la Mélodie hongroise D. 817 de , Les Sauvages et Le Rappel des oiseaux de , le Prélude op. 24 n° 4 d' et, tout à la fin, comme s'il prédit qu'entretemps, il a commencé à neiger et pleuvoir dehors, Des pas sur la neige, soit la sixième pièce du premier livre des Préludes de . Malgré les réserves évoquées ci-dessus, un très beau récital.

Crédit photographique : © Klaus Rudolph

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