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Première discographique pour L’Europe galante de Campra

Carte de visite du nouveau label Château de Versailles Spectacles, cette première intégrale de l'opéra-ballet d' comble une longue attente et permet de faire enfin le point sur l'ancêtre des Indes galantes.

« Quand l'archevêque saura que Campra fait un opéra, Campra décampera ! » s'amusait-on en 1697 après la création anonyme de L'Europe Galante du compositeur aixois alors au service de l'Église. Ce n'est qu'après le succès, en 1699, de son Carnaval de Venise, d'abord attribué à son propre frère, que Campra osera revendiquer la paternité des deux œuvres. L'Europe galante délaisse le corset des tragédies lyriques Lully/Quinault pour inventer l'opéra-ballet, davantage tourné vers l'humain que vers les déités, et qui conduira au chef-d'oeuvre du genre Les Indes galantes (ex-Victoires galantes) de Rameau.

L'écoute de ce disque, reflet du concert donné à Versailles en 2017, donne le point au Dijonnais en terme d'inspiration mélodique (la minute trop brève de la Marche des Bostangis est bien frêle comparée à l'irrésistible Danse des Sauvages) comme en terme d'enjeux dramatiques. Si les deux œuvres ont en commun la démangeaison voyageuse, on imagine mal nos metteurs en scène dérouler le fil narratif de L'Europe galante pour un scénario aussi fort que celui que Laura Scozzi a imaginé pour Les Indes galantes. D'inoffensifs badinages français, espagnols, italiens et turcs jamais interrompus par les tempêtes et tremblements de terre du spectaculaire ramiste conduisent à la victoire de l'Amour sur l'entreprise déstabilisatrice de la Discorde. C'est bien mince. On applaudit alors lorsque le décoratif et le récitatif cèdent à l'émotion de Sommeil, qui chaque nuit jouissez de ma belle dans la deuxième entrée, ou du sublime et très purcellien Que l'amour dans nos coeurs fasse naître dans la quatrième. On admire la science orchestrale. On sait surtout gré d'avoir ouvert la voie.

A la barre, Sébastien d'Hérin déploie une énergie pas toujours relayée par ses Nouveaux Caractères manquant de rondeur, un peu chétifs et indécis (surtout les cordes) dans les passages vifs, plus convaincants dans les lamenti, impression imputable aussi à une prise de son à la recherche de la bonne distance entre orchestre et chanteurs. La Vénus sans grande séduction de ouvre le Prologue de manière un peu abrupte mais sera plus à l'aise en Turquie. , plus homogène, séduit davantage par-delà le hic d'une liaison défectueuse de sa Céphise. s'empare magistralement de toutes ses interventions avec la science que l'on avait louée dans sa magnifique Clorinde d'un récent Tancrède. Toujours le plus français des Suédois, étonne par la classe et la musicalité d'une diction à enseigner dans tous les établissements scolaires. ne lui cède en rien, parvenant à plier aux codes baroques la noire amplitude d'une voix méphistophélique. Déplorons que le livret, trop vite relu (paroles chantées souvent différentes de celles imprimées, fautes d'orthographe) ne cite pas les noms de conséquentes interventions solistes (Lise Viricel, Romain Champion, Edwige Parat, Marie Picaut) échappées d'un choeur irréprochable.

Par-delà ces réserves, souhaitons à Château de Versailles Spectacles la vie qu'il a décidé de redonner à des œuvres dont, à l'instar de cette Europe galante, l'on ne connaît bien souvent que les titres.

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