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Scheidt l’introverti et Scheidemann le flamboyant par Yoann Moulin

Voici le premier opus d'une nouvelle collection que Ricercar consacre à la musique allemande pour clavecin.

a sélectionné des pièces de Scheidt et de Scheidemann basées sur des chorals luthériens ou sur des danses et chansons profanes. Il nous offre ainsi les portraits croisés de ces deux compositeurs contemporains aux personnalités bien différentes.

et comptent parmi les plus illustres élèves de nationalité allemande du grand Sweelinck, le « faiseur d'organistes » d'Amsterdam. Scheidt, qui publie en 1624 une somme pour clavier intitulée Tabulatura nova, « réalise une parfaite fusion entre la tradition polyphonique luthérienne et les plus brillants modèles de la musique italienne », comme l'affirme dans l'intéressant texte du livret. Scheidt excelle dans l'art de la variation, dont cet enregistrement nous donne de nombreux exemples, avec une écriture virtuose selon les principes des diminutions italiennes. Celles sur le célèbre air anglais Fortune, repris par de très nombreux compositeurs de l'époque, sont un modèle du genre et donnent son titre au CD. Plus développée encore, la fantaisie sur Io son ferito de Palestrina fait appel à une écriture plus contrapuntique où le thème se promène d'une voix à l'autre en des sections très contrastées.

Tout aussi célèbre et glosée par tous les compositeurs de l'époque est la Pavana lacrymae de Dowland, dont on entend ici la version ornementée de Scheidemann. Quant à la Gagliarda variée du même compositeur, remarquable de virtuosité, elle offre un exemple de diminutions de plus en plus débridées dans les reprises du thème. Mais ce sont surtout les pièces en style libre de Scheidemann que cet enregistrement met en avant : Praeambulum et Praeludium nous permettent d'apprécier la science du contrepoint de ce compositeur qui n'a laissé, contrairement à Scheidt, que des compositions pour clavier.

Le toucher sensible de , qui signe ici son deuxième album soliste, permet d'éclairer l'architecture complexe de ces pièces. Le magnifique clavecin de d'après Rückers est pour beaucoup dans la lisibilité de la polyphonie : un son ample et brillant dont l'excellente prise de son de nous restitue parfaitement toute le chatoyant. Nous attendons avec impatience les volumes suivants de cette nouvelle anthologie.

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