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Le Purcell original de Tim Mead et des Musiciens de Saint-Julien

Les , dirigés par leur fondateur et flûtiste , revisitent avec inventivité et brio l'œuvre d' en compagnie du contre-ténor .

Depuis 2006, les , inspirés par l'intime conviction et les recherches de , mêlent à la connaissance musicologique la plus pointue une pratique intuitive de la musique ancienne où se mêlent sources orales et écrites. Comme le dit le flûtiste français au cours de l'interview qui tient lieu de texte de présentation pour ce « parcours Purcell », il s'agit de confronter les sources de l'inspiration savante du compositeur britannique, anglaises bien entendu (avec ces ostinatos de basse si pregnants dans la célèbre Fantasy upon a ground, données ici par un trio de flûtes), françaises (la chaconne finale extraite de The Fairy Queen) ou même italiennes (la virtuosité instrumentale des extraits de sonate), à des influences british plus populaires dans leurs carrures plus roboratives et presque folk (par exemple, au fil du scots song Twas within a furlong of Edinborg town ou du scotch tune extrait de la musique de scène pour Amphytrion qui s'y enchaîne). La contredanse retrouve aussi ainsi son sens premier de country dance.

Sont aussi confrontés au fil de cette sélection, les divers aspects complémentaires ou antinomiques de la psychologie complexe du compositeur. L'on peut compter sur la voix ductile et lustrale de Tim Mead pour les magnifier. Son timbre vif-argent idéal pour ce répertoire tend au sublime tantôt dans un registre mélancolique (sublime O solitude, my sweetest choice Z.406, sans doute la plus belle version enregistrée depuis celle, historique, d'Alfred Deller, ou ailleurs, l'incontournable air du génie du froid extrait de King Arthur) tantôt sous le masque plus émancipé de l'extraversion avec le Tis nature's voice de la grande ode à Sainte-Cécile Z.328 donné dans un sentiment théâtral de grande tension dramatique en ses ultimes mesures. Mais encore, cette voix presque irréelle peut se nimber de féérique tendresse au fil de pages plus aériennes (hymnique Fairest Isle, extrait de King Arthur, ou One charming night extrait de The Fairy Queen). L'intelligence du texte est magnifiée tant par une claire et parfaite articulation que par une abondante et judicieuse ornementation aux ressorts quasi instrumentaux.

Mais cet enregistrement tient de l'exceptionnel par la réalisation idéale des : la franche verdeur des timbres de l'ensemble (telle celle déployée pour la marche extraite du Married Beau Z.603) le dispute à une science des agréments aussi riche qu'originale et osée (ce vibrato des trois violons fibrant la Pavane en sol mineur Z.752 tels de lointains souvenirs du flattement des consort de violes). Certes, au grand dam des puristes, la distribution instrumentale est parfois revue et corrigée, des extraits de partitions éparses sont savamment montés. Mais c'est aussi pour mieux (dé)montrer la proximité de l'écriture la plus achevée avec les racines musicales traditionnelles et populaires ; le medley de la plage 7 nous réserve même la surprise d'une allègre musette parmi les solistes.

Nous n'avons pas ici les timbres plus cossus et policés d'un English Concert ou d'une Academy of Ancient Music, mais cette culture d'un son plus brut, corsé, presque rustique parfois, correspond à cette nouvelle approche tonique et vivifiante relevant de « l'exaltation du rythme et de la danse » évoquée dans nos colonnes, au sujet du récent concert à la salle Gaveau de nos interprètes dans ce même répertoire. Cette incisivité des tempi et de l'agogique cravache quelque peu des pages souvent plus neutres ou élégiaques ailleurs (plage 2, Strike the viol, extrait de l'ode pour l'anniversaire de la reine Mary)Mais la conviction et l'engagement des interprètes, avec cette approche quasi-charnelle d'un texte musical totalement revisité, emportent au fil des écoutes la totale adhésion de l'auditeur.

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