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Leonard Bernstein à nu

Au petit jeu des analogies retrouvées, toujours un peu stupide il est vrai, mais imparable, le recueil de Charlie Harmon rejoint bien vite le peloton de tête des ouvrages publiés en 2018 à l'occasion du centenaire de la naissance de , par ses qualités d'authenticité, de sincérité, de naturel, voire de candeur.

« Assistant » de , homme-à-tout-faire, Maître Jacques, mais aussi secrétaire, collaborateur, copiste, Harmon aura survécu plus de six ans (alors que d'autres n'auront tenu que 4 jours !) aux états d' âme, aux angoisses, aux crises, débâcles, colères et dépressions (manque de Dexedrine ?), aux brouillamini et chaos, aux tournées, aux expéditions de toutes sortes du Maestro.

1981 : Engagé par le redoutable , « manager » d'LB, Harmon découvre, lors de leur premier entretien « officiel », un Bernstein non rasé, non douché, sale, ivre mais parfaitement bronzé. Il sera responsable, lui dit-on, du courrier, du téléphone, des valises (entre dix et vingt à chaque voyage, surtout ne pas oublier cette fois les photos, les deux ou trois dictionnaires bilingues, les œuvres complètes de Lewis Carroll, les chocolats, le singe en peluche, les crayons, les petites pilules), responsable également des rendez-vous, des partitions du Maestro, de ses chaussettes, de ses pochettes, de ses boutons de manchettes (ceux, surtout, offerts par Koussevitzky, qu'il porte à chaque concert et qu'il embrasse, chaque fois, avant d'entrer sur scène), des trois enfants, des cigarettes, des deux scotchs de 17 heures (s'assurer toujours que le verre demeure à moitié plein).

Harmon découvre alors l'emploi du temps d'LB ( et le sien !) pour l'année 82. Les concerts : deux semaines à Washington (avec le National Symphony), deux à New York (avec le N.Y. Philharmonic), une à Londres (B.B.C. Symphony), puis Israël, le Mexique (avec l'Israel Philharmonic), la Scala, Venise (hommage à Stravinsky ?), Washington, Los Angeles, le Hollywood Bowl, Salzbourg, Vienne etc… etc. Les entretiens, interviews et autres rencontres : , Janos Starker, , Jerome Robbins, (MTT) etc…etc. Les amis : Lauren Bacall, , sa fidèle secrétaire, Elie, Marion Wiesel, Rostropovich, Ethel, Ted Kennedy, Otto Perl, son tailleur, Louis Malle, Ned Rorem, Lillian Hellman, Isaac Stern, , etc…etc. Et toujours s'assurer que le verre de scotch demeure à moitié plein ! Et n'oublions surtout pas de chouchouter l'équipe de la DGG qui suit le maestro, d'annuler Salzbourg mais de maintenir Vienne et Munich, de rendre une courte visite de trois jours aux Canaries à Justus Frantz et Christoph Eschenbach, d'assister aux répétitions de Candide à New York. Et nous n'en sommes qu'en 1982 !

Nous laisserons ici le lecteur découvrir la suite : l'allegro con spirito de la 88e de Haydn, que LB dirige immobile, avec uniquement yeux et sourcils, les « accidents » de travail (dus au manque de Dexedrine), Zeffirelli, William Schuman, A Quiet Place, le Radical Chic, les « gay parties », l' « affaire » Carreras et l'enregistrement de West Side Story, 27 ans après la création, les mille projets avortés, comme ce concerto pour trompette prévu pour Wynton Marsalis, les anecdotes, les mille potins, les ragots, grivois ou non, graves ou châtiés, les bons mots (ils abondent, ils foisonnent), les portraits, toujours appliqués, affectueux, chaleureux, toujours violemment décomplexés (Julia Vega, qui restera au service des Bernstein plus de 40 ans, Ann Dedman, Stephen Wadsworth, Danny Kaye, , Traute von Käppen et le dernier regard, au Dakota.

On l'aura compris, Harmon nous « expose » un Bernstein intime, souvent secret, enjôleur, horripilant également (celui du titre), volcanique. Son livre (qui souvent frôle l'hagiographie), au style et à l'allure fougueux, ardents, frénétiques, complémente alors à point le récent portrait filial Famous Father Girl si tendre, si affectueux de .

Les très nombreuses photos, qui devraient séduire, sont, hélas, de très mauvaise qualité.

 

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