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Résurrection de Mahler par Alexandre Bloch à Lille

Dans le cadre d'une intégrale des Symphonies de Mahler en deux saisons à Lille, s'attaque en cette fin février à la Résurrection, un mois après la Titan et un mois avant la Troisième

a le premier joué et enregistré Mahler avec l', pour livrer il y a quelques années une belle proposition de la Symphonie n° 2. Maintenant dans les mains du jeune , l'orchestre ne quitte pas ce répertoire, pour s'y plonger au contraire pour deux saisons pendant lesquelles toutes les symphonies seront présentées, avec en plus des concerts à Lille et en région, un passage au Festival de Saint-Denis pour la n° 5 cet été.

Le Totenfeier débute sur des mesures de contrebasses et violoncelles solidement emportées vers des sonorités graves, bien qu'aucune pression ni tension n'en ressorte véritablement. La puissance du mouvement s'altère quelque peu à cause de ces cordes trop légères, en même temps que par la lecture trop fractionnée d'un chef encore relativement inexpérimenté face à une œuvre d'une telle densité. L'idée de suivre la partition, au point de prévenir le public par une annonce au micro avant le concert que nous allions respecter la volonté du compositeur en marquant une longue pause après le premier mouvement, ne fonctionne pas. Cet effet dramatique remis en cause par Mahler lui-même à la fin de sa vie aurait nécessité une vision plus tellurique de la mort du héros, là où l'impact n'a pas été assez puissant pour laisser sans voix un public au contraire avide en toux et en gestes pendant ces cinq longues minutes écrites pour le silence.

L'Andante moderato dévoile un beau traitement des cordes, notamment par la mise en avant des altos pour maintenir le premier thème, avant un très beau contre-chant des violoncelles sur la réexposition en fin de mouvement. Le Scherzo d'après le lied Des Antonius von Padua Fischpredigt du Knaben Wunderhorn suit la même optique et présente une gestion intéressante des contrastes, notamment dans la seconde partie, où certaines attaques des bois auraient toutefois pu être plus groupées. L'un des bassons a quitté la scène en fin de mouvement pour répondre à la mezzo-soprano de la coulisse lors de l'Urlicht. Tous ces effets, comme la fanfare, puis les cors, évidemment eux-aussi hors-scène mais de plusieurs côtés du parterre, ou les cloches à jardin au premier balcon, respectent le souhait de spatialisation de Mahler. Mais s'ils sont aussi rarement suivis avec autant de rigueur par les grands mahlériens du dernier demi-siècle, c'est aussi parce que certains effets créent un kitsch et déconcentrent l'écoute.

déploie son plus beau médium et une belle stabilité de la ligne pour son lied solitaire comme à ses interventions au Finale, tandis que remplace Lisa Larsson de sa voix claire non exempte de vibrato. Le Philharmonia Chorus a l'habitude d'un ouvrage qu'il interprète régulièrement outre-manche. Il y développe sa mystique dès les interventions assises, pour retentir avec vigueur dans les dernières minutes du Finale, porté à son paroxysme par le chef et un timbalier déjà remarquable au Scherzo. Déchainé sur scène mais toujours très concentré pour agencer et équilibrer toutes les parties, est encore quelque peu égaré lors des complexes mesures de cordes en première partie de ce dernier mouvement, au risque de chercher à les traiter de manière appliquée et autonome plutôt que de les intégrer à une vision d'ensemble.

Cette belle prestation globale ne peut non plus faire oublier un orchestre aux cordes transparentes dont Casadesus a su faire ressortir toute la fraîcheur, à l'image de certains pizzicati, traités avec la même finesse aujourd'hui par l'orchestre que lors de sa proposition de 2015. Ce manque d'épaisseur s'adapte moins à la vision plus nerveuse de Bloch, parfois limitée aussi au premier mouvement par des cors encore froids, nets et brûlants surtout dans les derniers instants d'un Finale enflammé.

Crédits photos : Ugo Ponte © onl |

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