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Hommage de la radio bavaroise à Bernard Haitink pour ses 90 ans

aura quatre-vingt dix ans en mars prochain. Pour lui rendre hommage, la firme discographique de la radio bavaroise publie quelques gravures avec l'orchestre maison, dans un coffret où ne figurent que des chefs d'oeuvre tous interprétés avec l'intimidante hauteur de vue et la pureté de style du maître.

Aujourd'hui, le vétéran Haitink n'a guère de rival dans le monde des grands chefs d'orchestre, hormis sans doute son aîné de deux ans Herbert Blomstedt. Comme lui, il est parvenu à une maîtrise du style telle que ses interprétations ont un goût d'évidence particulièrement impressionnant.

Le coffret de la radio bavaroise présente deux chefs-d'oeuvre auxquels le maître néerlandais n'est venu que tardivement, les deux grands oratorios de Haydn. Il y développe un style d'une parfaite pureté et d'un lyrisme plus humain que Karajan jadis, moins tourné vers l'effet de l‘instant que Harnoncourt. Mais, bénéficiant d'un orchestre somptueux, d'un chœur d'une perfection plastique absolue, il entoure des solistes d'exception et recrée un monde rayonnant et d'une plénitude esthétique qui nous comble. Un pas supplémentaire est franchi avec la Missa Solemnis, grandiose, une vraie réussite d'un chef dont l'approche beethovénienne n'a paradoxalement jamais été considérée comme essentielle, comme si sa trop grande probité ne suffisait pas face aux géants du passé. Et pourtant, dans cette page que Furtwängler dans sa maturité n'osait plus aborder, Haitink impose à nouveau un équilibre souverain et une intensité orante qui nous touchent immédiatement.

En revanche, le maestro a, dès l'époque où il dirigeait le Concertgebouw, toujours démontré ses évidentes affinités avec Bruckner et Mahler, alors que ses prédécesseurs avaient cultivé tantôt le maître de saint Florian (Jochum, van Beinum) soit son disciple (Mengelberg), mais pas les deux à la fois. Ses Symphonies n° 5 et n° 6 d' s'imposent avec une lisibilité d'où naît le lyrisme et l'émotion, aussi loin de la tension apocalyptique d'un Furtwängler ou des fulgurances mystiques de Jochum que de la démesure d'un Celibidache. De même ses symphonies de se gardent des excès (parfois sublimes) d'un Bernstein à fleur de peau, ou des tourments d'un Karajan dans l'ultime Neuvième. Mais aucun chef n'a jamais dominé l'immense architecture de la Symphonie n° 3 comme Haitink, unifiant les éléments disparates de cette partition gigantesque avec élévation. L'adagio final de cette symphonie respire avec une intensité et une splendeur sonore sans égal, qui en fait sans doute, plus encore que celui de la Symphonie n° 9, l'apothéose de ce coffret.

Les solistes sont tous d'un niveau digne du chef, notamment dans le lied final de la Symphonie n°4 et l'ensemble constitue un hommage superbe à un immense chef d'orchestre, musicien avant tout. Ennemi de l'effet mais capable de mener un orchestre précisément là où il le veut, Haitink est l'un des plus grands maîtres de notre époque. Ce portrait lui rend un hommage particulièrement émouvant.

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