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Les marionnettes chantent à Vichy pour le Retour d’Ulysse

On reconnaît le succès d'une mise en scène quand celle-ci traverse les frontières comme le temps. C'est le cas de celle de pour Il Ritorno d'Ulisse qui fut créé en 1998. Aujourd'hui programmée dans le cadre du Festival « Vie et destins » de l'Opéra de Lyon, elle fait escale à Vichy, où, comble du bonheur, elle est servie par une distribution vocale qui fait merveille.

L'utilisation de marionnettes en bois aurait pu sembler artificielle et renforcer la complexité pour dépeindre l'humanité fragile de l'ouvrage de Monteverdi. Justifier une version raccourcie (100 minutes plutôt que 3 heures) par la présence de ces petits personnages en bois aurait pu faire crier au scandale les amoureux de l'opéra baroque. Mais cette version de chambre portée par les six musiciens du et leur directeur musical , sept chanteurs et treize poupées, magnifie l'humanité de L'Odyssée d'Homère avec justesse.

Sur un lit d'hôpital avec Pénélope qui le veille à son chevet, Ulysse, affaibli, rêve de son épopée classique. En arrière-plan, sur un écran vidéo, les imageries médicales, énigmatiques, fusionnent avec des dessins en noir et blanc, parfois rouges, du plasticien. La plus grande force de cette mise en scène, est qu'autour de chaque marionnette, un marionnettiste – évidemment ! -, mais aussi un chanteur toujours en contact physique avec le personnage en bois, parfois même le manipulant pour lui donner vie. Chaque détail est pensé : la respiration fébrile d'Ulysse couché sur son lit de malade ; l'élégance aérienne de Pénélope par l'articulation délicate des bras et des mains…

Au final, les visages sans mouvement des poupées sont accompagnés par l'intention presque chorégraphique des marionnettistes. Chacun est imprégné par l'affect qu'il porte, perceptible grâce à l'expression du visage, et par l'intention musicale et sensible de chanteurs qui ne lâchent à aucun instant du regard les véritables héros de cette mise en scène. Équilibre parfait entre trois approches qui se complètent pour sublimer encore la musique.

Mais à l'inverse de Bruxelles il y a dix ans, le spectacle ne dépend pas que du visuel. Au-delà d'une perfection technique parfaitement imprégnée de celle typiquement baroque, la distribution vocale love les auditeurs sans complaisance dans le chant montéverdien. En tête, le beau mezzo de Beth Taylor : la parfaite diction italienne et la projection splendide pleine d'intentions subtiles complètent de sublimes graves tout en rondeur affirmant la profondeur de son chant dans le rôle de La Fortune, Mélantho et Amphinomos. Au même niveau, s'approprie tout le cheminement intérieur de Pénélope en exacerbant sa solitude, sa douceur et ses espoirs.

Ulysse n'est pas en reste en la personne d', assurant également le rôle de La Fragilité humaine. Rhétorique aiguisée et délicatesse du chant dont les inflexions ensorcellent pour un héros tout à la fois faible et conquérant. Le reste de la distribution luxueuse déploie également de nombreuses qualités, entre la voix de baryton-basse éclatante et d'une belle ampleur de (Le Temps, Neptune, Antinoos), le soprano musical et virtuose d' (Amour, Minerve), les ineffables demi-teintes du ténor (Jupiter, Eumée), et très crédible en Télémaque et en Pisandre.

Tout autour d'eux, les instrumentistes du délivrent avec constante une clarté sonore et une justesse instrumentale appréciables, dans un équilibre parfait avec le plateau, assuré par l'effectif presque minimaliste d'une harpe (Giovanna Pessi), de deux guitaristes assumant aussi les parties du théorbe (Daniel Zapico et ), et de trois violes de gambe (dont celle de ). Un écrin singulier pour que subsiste finalement en toute simplicité l'humanité héroïque d'Il Ritorno d'Ulisse.

Crédits photographiques : © Ick Heo

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