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Le Concentus Musicus de Vienne achève l’Inachevée

Pour son premier disque, après la disparition de son fondateur , le fameux Concentus Musicus de Vienne, désormais dirigé par le pianiste , qui fut son assistant, se penche de façon originale sur des œuvres de Schubert.

était quelque part le compositeur préféré de bien qu'il n'ait abordé son répertoire symphonique que sur le tard avec les Wiener Symphoniker (1985), puis le Concertgebouw d'Amsterdam (1992) et le Philharmonique de Berlin (2003-2006), mais jamais avec son Concentus Musicus. Il aurait sans doute aimé le faire comme il n'a pu qu'ébaucher un cycle Beethoven (Symphonies n° 4 & 5 ; Missa Solemnis) avant que la maladie ne l'affaiblisse et que la mort ne l'emporte.

Ce disque profondément viennois commence par sept lieder orchestrés par Webern et Brahms, chantés par , qui est l'un des grands Liedersänger actuels. Webern par le Concentus Musicus, voilà qui est étonnant, mais cela fonctionne parfaitement avec des orchestrations tout en douceur. Les accents sotto voce de , extrêmement nuancés et naturels, fusionnent avec l'orchestre dont on apprécie la couleur des bois. Mélancoliques pour Brahms quand celles de Webern soulignent couleurs et timbres, ces orchestrations sonnent parfaitement viennois. Comme l'explique dans son texte de présentation, n'oublions pas que Brahms les composa pour son ami le chanteur Julius Stockhausen, qui joua un rôle fondamental dans la diffusion des œuvres de Schubert. Il fut le premier à chanter en concert des cycles entiers de lieder, souvent accompagné par Brahms lui-même au piano.

La controverse durera encore longtemps pour savoir s'il faut finir ou non la Symphonie Inachevée de Schubert. Beaucoup considèrent les deux mouvements initiaux comme parfaitement équilibrés et l'on sait que Schubert a laissé nombre de pièces inachevées tant pour le piano, le quatuor à cordes que l'orchestre. plaide que Schubert a esquissé un scherzo presque complet, en partie orchestré et dans la musique de scène de Rosamunde, quasi contemporaine, apparaît un vaste mouvement également en si mineur, qui présente certaines parentés mélodiques avec la symphonie. Il a choisi d'intégrer ce sherzo, complété et orchestré par et en 2015, ainsi que le premier entracte de Rosamunde, également utilisé comme ouverture pour La Harpe enchantée d'Hoffmann.

Les habitudes d'écoute en sont naturellement dérangées et le scherzo, vif, intense et plein de contraste, peut sembler appartenir à un autre mode expressif, tandis que l'on connaît l'entracte de Rosamunde dans un autre contexte. Il n'empêche que Stefan Gottfried propose un ensemble d'une belle cohérence, donnant une unité à ces éléments souvent épars. Son interprétation d'une grande poésie nuance à plaisir les tempos et les phrasés. On retrouve avec bonheur le relief rythmique, la clarté des voix, la tension dramatique des crescendos, ainsi que les accents des cuivres et des timbales propres au Concentus Musicus. Le suspense et le mystère de la Symphonie en si mineur, qui devient au passage n° 7 et non plus 8, ne sont en rien altérés par cette tentative d'achèvement plutôt réussie. Stefan Gottfried et ses musiciens assument pleinement l'héritage de , grâce leur en soit rendue.

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