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Le Festival de Pâques d’Aix et sa séduisante 7e édition

A Pâques, Aix-en-Provence vit au rythme de son festival toujours aussi attractif avec sa riche programmation.

Trois ans après ses débuts impressionnants aux côtés de et , on retrouve en récital. Le jeune violoniste possède un « grain » unique. La Chaconne débute timidement avec sa rythmique martiale mais très vite, le phrasé se libère et la projection devient lumineuse. Suivront Paganini et ses deux Caprices n°21 et n°24, son discours souligne le fond avec humour et finesse.

Dans la Sonate n° 1 de Schumann, il est rejoint par le pianiste Stanislav Soloviev. Dans le thème du premier mouvement, le Stradivarius, tantôt grave, tantôt incisif, envoûte avec sa sonorité veloutée et son dialogue fougueux avec le piano. Cette interprétation exaltée aux élans amoureux, n'omet ni poésie ni brillance dans l'articulation. Dans Souvenir d'un lieu cher de Tchaïkovski, Solokiev est attentif aux couleurs tandis que son complice offre un jeu organique, des envolées à la nostalgie douloureuse. Puis dans Saint-Säens le violoniste déploie toute son aisance et son mordant, il est irrésistible dans les traits difficiles. Deux bis merveilleux suivent : une Mélodie de Tchaikovski puis, Liebesleid de Kreisler.

Toujours en première semaine, le pianiste débute son récital avec les 32 Variations de Beethoven. La précision digitale est là tout comme une impressionnante vélocité ou encore un caractère immédiat, mais les plages plus lyriques restent neutres, parfois dominées par la pédale. Dans l'Andante favori, le cantabile est empreint de chaleur, le legato est appliqué mais il manque le petit plus pour nous émouvoir. La dramaturgie dans Waldstein n'est pas plus enthousiasmante. Une technique irréprochable ne suffit pas dans cette oeuvre. On attendrait plus de variété expressive. La série d'accords de l'Allegro, transition entre les thèmes principaux, est par exemple vite expédiée sans réel changement de ton. Dans le dernier mouvement, le phrasé n'est pas traversé par l'élan beethovénien, ce souffle viscéral si caractéristique de son oeuvre.

En deuxième partie, Liszt convient plus à la personnalité musicale du pianiste. Davantage de couleurs et de touches impressionnistes dans les deux extraits des « Années de pèlerinage ». Dans les Réminiscences de Don Juan, redoutable du point de vue de sa difficulté, Li offre une vision passionnée s'appuyant sur son jeu tonitruant. La ligne mélodique, quasi récitative, fait tour à tour vivre les différents personnages du Don Juan de Mozart. Le public obtient trois bis magnifiques du jeune pianiste, révélation du Concours Tchaïkovski 2015 : le thème d'Orphée et Eurydice d'après Gluck, d'une beauté déchirante puis une Campanella dans laquelle Li évolue dans son jardin. Enfin, l'étonnant Intermezzo n° 6 opus 118 de Brahms avec son intériorité douloureuse d'où jaillit la lumière.

En deuxième semaine, c'est le compositeur qui est à l'honneur. Un portrait lui est ainsi consacré au Conservatoire . Son langage musical est influencé par ses origines orientales, libanaises et marocaines. Plusieurs de ses compositions se succèdent, jouées par le accompagné par la soprano . Tout d'abord, De l'ineffable, pièce pour piano et voix dans laquelle le piano réduit à une expression spartiate accompagne des vocalises plaintives. Cette œuvre « marque le refus d'un discours et d'une dramaturgie ». Puis, le Trio Asfar constitue la plus immédiate des pièces car elle déroule une architecture d'ensemble parlante. Les cordes pincées du Steinway, esquisse d'un motif oriental constituent un contraste mystérieux. Elle capte ainsi nos sens notamment grâce à une mise en tension et une rythmique implacable. Sous fond d'ironie, un même motif répété par les cordes, parfois à l'unisson, converse avec le piano au maximum de ses dynamiques et possibilités percussives. Dans Corema, le violoncelle semble prendre la place du luth arabe avec ses pizzicati en continu.

L'inspiration orientale est également présente dans le Trio en la mineur de Ravel avec son mouvement intitulé Pantoum. Cette interprétation nous plonge dans un jardin merveilleux, éclairé par des teintées impressionnistes et automnales. Le trio marche d'un même pas, respire ensemble, dans le prolongement des uns et des autres. Le dialogue témoigne d'un souci d'équilibre et de clarté. D'une beauté pénétrante, la Passacaille met en lumière l'aspect intemporel mais aussi moderne du langage ravelien. La déception viendra de la création Poemas da despedida commandée par le Festival. Sans connaitre avant la signification des poèmes en portugais de Mia Couto, le côté intellectualisé prend le dessus et crée une distanciation. L'enchainement avec le deuxième Intermezzi de l'opus 117 de Brahms reste des plus surprenant.

Le lendemain, le Grand Théâtre accueille l' sous la direction d'Elena Schwartz accompagnée d', l'un des clarinettistes les plus en vue de la jeune génération. Deux œuvres de Mozart écrites à quelques semaines d'intervalles sont au programme. Tout d'abord, l'Ouverture de la Clémence de Titus conduite avec précision. Les attaques sont franches, la pâte sonore compacte et l'expression devient plus ouverte dès que la couleur dramatique se fait entendre.
Puis, les musiciens s'illustrent dans le Concerto pour clarinette. Les cordes délicates affichent une belle unité et libèrent une expression empreinte de tendresse dans laquelle se fond la clarinette suave d'Ottensamer. La complicité est de mise, occupant une position peu avancée sur scène, le clarinettiste donne l'impression de jouer aussi dans l'orchestre.

Avec sa clarinette de basset, il déroule un éventail de sonorités rondes au timbre plus grave que celui d'une clarinette traditionnelle. Cette qualité d'écoute insuffle de la fraîcheur entre chaque pupitre. Nous admirons son legato parfois joué double pianissimo auquel l'orchestre répond avec finesse. La ligne chantante du Rondo Allegro séduit autant par sa facétie que sa fraîcheur enjouée. Le clarinettiste offre en bis l'introduction de l'air de Mario Cavaradossi «E lucevan le stelle», extrait de Tosca.

Après l'entracte, place à la Symphonie n° 2 de Beethoven. , cheffe assistante de Gustavo Dudamel au Los Angeles Philharmonic, en offre une construction limpide. Chaque mouvement est porté par une dynamique franche dont chaque nuance permet à l' de briller – cordes cristallines et cuivres particulièrement inspirés. 

Crédits photographiques : © Caroline Doutre

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