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Jeanne d’Arc de Braunfels revient à Cologne

Créée à l'Oper Köln en 2016, la mise en scène de pour Jeanne d'Arc de retrouve la scène rhénane en même temps que dans le rôle-titre, associées à un ensemble solide dirigé d'un geste précis et musical par .

réapparaît à l'occasion sur les scènes. Mis au ban en 1933 par le régime nazi du fait de ses origines juives, il commence à s'intéresser ensuite au sujet de Jeanne d'Arc et termine son ouvrage vers 1943. La création en version de concert de l'œuvre se fera seulement au début de ce millénaire à Stockholm, puis en version scénique en 2008 à Berlin, grâce à la mise en scène de Christoph Schlingensief. Plutôt qu'utiliser Schiller tout comme Verdi pour son opéra, et donc d'achever l'héroïne sur un champ de bataille, Braunfels tire son livret directement des sources du procès de 1431. Il n'adopte donc pas non plus Paul Claudel, dont le texte écrit avec Arthur Honegger venait de servir l'oratorio créé en 1938 à Bâle ; alors qu'il s'est inspiré de l'écrivain pour son opéra précédent, Verkündigung, composé entre 1933 et 1935 et créé seulement en 1948, à Cologne.

C'est donc Cologne encore, ville dans laquelle est mort le compositeur en 1954, qui défend son œuvre. L'Opéra principal n'en finissant pas d'être reconstruit, les représentations sont toujours déplacées à la temporaire Staatenhaus. Le public y est installé sur des gradins devant une scène très limitée pour les changements de décors, ici de Stefan Heyne. L'orchestre est placé cette fois à gauche, les percussions, piano et célesta à droite.

La production de pourrait être jugée provocante en France, surtout avec un sujet aussi sensible que Jeanne d'Arc, souvent récupérée par divers courants politiques. Car l'artiste berlinoise place le champ de bataille et toute l'action dans une décharge, la localisation du lieu n'étant figurée que par une queue d'avion bleu-blanc-rouge. Jeanne est donc sans doute bien folle, comme ses compagnons de fortune, dont le roi, souvent réfugié dans une carcasse de voiture avec une couette en guise de cape, et jamais de couronne. Les autres costumes de Silke Willrett sont soit modernes, soit d'époque, avec une partie des chanteurs et du chœur affublée d'armures ou habits de chevalier, épée à la main. Évidemment, cette proposition trouve rapidement ses limites, même si la dernière image d'un Gilles de Rais s'aspergeant d'essence avant de chercher à s'immoler par le feu possède une véritable force.

Soutenue par un orchestre maîtrisé tant dans sa rigueur que dans sa fluidité par le chef , encore récemment remarqué à Francfort pour Dalibor, l'action des trois actes se développe naturellement, de l'appel au bûcher, en passant par le Château de Chinon, la bataille d'Orléans et la prison. Les accents anguleux de la partition y sont toujours agencés avec justesse pour permettre avant tout à la distribution de chanter et évoluer avec liberté. Et cela même lorsqu'ils sont dos au chef ou derrière lui, dans les gradins avec le public ou juste devant. Les percussions trouvent également leurs marques de l'autre côté, pour aggraver les moments forts, dynamisés en face par les cuivres, plus justes et marquants par les trombones et trompettes que par les cors souvent pris en défaut.

Le maintien des équilibres par le chef permet alors aux choristes, dont le superbe chœur d'enfants, ainsi qu'aux chanteurs solistes, de s'exalter et d'évoluer en confiance, à commencer par , Jeanne d'Arc référente, déjà entendue en version concertante à Salzbourg en 2013 avec Manfred Honeck, puis dans l'enregistrement sorti chez Decca en 2017 avec le même chef. Sa prosodie précise ouvre son chant à un véritable lyrisme, notamment dans les airs, et s'accorde à une prestation scénique enflammée. Lucas Singer campe un Jacques d'Arc puis un Vicaire bien assis dans le bas du spectre, même si les graves les plus impactants s'entendent chez le Duc de La Trémoille de . La dynamique du Gilles de Rais d'Olivier Zwarg apporte également beaucoup, tout comme la présence de pour le Roi Charles VII. En opposition, l'aigre saint Michel de renforce le caractère grotesque donné dans cette mise en scène au saint, tandis que des saintes se remarque la Margarèthe claire d'Arnheiður Eiríksdóttir et plus encore la Catherine aux aigus flamboyants de Menna Cazel.

Crédit photographiques : © Paul Leclaire

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