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Schumann et Kurtág en miroir sous l’archet d’Hélène Desaint

Cet album autour de l'alto et de la personnalité d' est le fruit de la résidence de l'altiste à la Chapelle musicale Reine Élisabeth en Belgique. Avec, au cœur du programme, l'Hommage à R. Sch. de , l'interprète tisse des liens subtils entre les deux compositeurs en s'entourant du piano et de la clarinette.

Le duo et dans les quatre Märchenlieder op.113 est un réel bonheur, emprunt de délicatesse et de retenue – intérieur et simple aurait dit Schumann – qui sied à cette écriture à fleur d'archet. Le naturel avec lequel ils abordent le quatrième et dernier mouvement nous enchante, là où l'alto en léger « sfumato » chante sa phrase sublime doublée par le piano dans un équilibre bien senti.

Hommage à R. Sch. de Kurtág témoigne de l'attachement du compositeur pour le plus fervent des romantiques avec lequel il partage le goût pour les petites formes et dont il admire la ciselure du geste et l'énergie qui le traverse. Une raison suffisante pour présenter dans ce disque les trois Romanze, écrites originellement pour le hautbois, en alternance avec les cinq numéros de Signs games and messages. C'est une série de pièces brèves pour l'alto de Kurtág dont l'écriture s'étale sur une cinquantaine d'années. Elles relèvent de cette « culture de l'hommage » qu'a pratiqué Kurtág durant toute sa vie autant que de l'art de la miniature dont il est passé maître. À l'auditeur d'apprécier les liens sous-terrains qui se créent entre les deux écritures conduites avec une égale exigence. et allient sensibilité et spontanéité dans les trois Romanze ; des qualités que l'on retrouve sous l'archet de l'altiste, dont l'autorité du geste et la précision des contours servent chaque « flèche » décochée par le maître hongrois dans ses Signs, games and messages. In Nomine – all'ungharese, qui referme cette série, dépasse les cinq minutes (hommage au rhapsode) et met en valeur le grain chaleureux et la ductilité de l'alto d'Hélène Desaint.

On est moins séduit par les Märchenerzählungen op. 132 pour alto, clarinette et piano () où l'équilibre sonore et la synergie entre les partenaires peinent à s'instaurer. Pour autant, le troisième mouvement, le plus réussi (avec tendresse), laisse apprécier le timbre délicat autant que lumineux de

On préfèrera l‘Hommage à R. Sch. du maître qui reprend la formation de l'op. 132 sus-dit. Elliptiques autant qu'essentiels, les cinq premiers mouvements n'atteignent pas la minute, concentrés sur un geste, une empreinte rythmique, un espace harmonique qui sont autant de « signes » que Kurtág adresse au maître allemand, avec humour parfois (In der Nacht) et une finesse incomparable que restituent à la lettre nos trois interprètes. Abschied (Meister Raro endeckt Guillaume de Machaut), « Adieu (Maître Raro découvre Guillaume de Machaut) », le dernier mouvement, plus long que les cinq autres réunis, est noté ppp misterioso et s'achève sur un coup de grosse caisse non moins mystérieux : le piano, trop présent à notre goût, est ici conducteur, Kurtág empruntant à Machaut son procédé isorythmique (un rythme obstiné sur des profils mélodiques qui se renouvèlent) que l'alto et la clarinette enrichissent de fragiles échos. Hélène Desaint et s'y emploient avec sensibilité et délicatesse.

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